The End of the Tour de James Ponsoldt

The End of the Tour est une comédie dramatique américaine réalisée par James Ponsoldt d’après le scénario de Donald Margulies. Il s’agit de l’adaptation du livre autobiographique de David Lipsky, un journaliste rencontrant pour la première fois l’écrivain du bestseller Infinite Jest : David Foster Wallace. C’est un film sur la rencontre de deux hommes profondément différents mais animés par les mêmes passions et les mêmes interrogations sur l’humanité.

Le scénariste est avant tout un auteur de théâtre, il s’agit de son premier script pour le grand écran et il faut reconnaître que ses dialogues sont de très bonne facture. Mais le film ne serait rien sans la patte si particulière de James Ponsoldt, le réalisateur. Grand amateur des caméras épaules et des plan-séquences, il crée une ambiance unique qui renforce considérablement les échanges entre les acteurs. La grande majorité des plans sont centrés sur les visages, ce qui invite le spectateur à comprendre de nombreux éléments clés du film à travers les expressions faciales des comédiens.

Il est compliqué de réussir à rendre une histoire cohérente et réaliste sans pour autant tomber dans une recherche constante du réel. A travers sa filmographie (Off the Black 2006, Smashed 2012 et The Spectacular Now 2013), James Ponsoldt a démontré qu’il aimait profondément traiter des relations entre les humains. Ses personnages sont toujours cohérents (dans leurs échecs comme dans leurs réussites) et possèdent quantité de petits développements personnels pas forcément utiles pour l’avancée de l’histoire, mais indispensable pour les rendre vraisemblables.

Le véritable tour de force du réalisateur est de servir toutes ses intentions avec une maîtrise impressionnante de la grammaire cinématographique. Il se sert de la caméra épaule pour ajouter dans son cadre des éléments permettant de mieux comprendre les personnages. Comme lors d’une scène d’au revoir confrontant les héros à deux de leurs amies où le réalisateur nous montre, en un seul plan-séquence silencieux, des échanges de regards explicitant les émotions contrastées des personnages, habituellement amenées par des dialogues.  

Le cinéma est avant tout un art de l’image et il fait bon de voir des réalisateurs arrivant à adapter des œuvres littéraires tout en y ajoutant des scènes de dialogues purement visuelles où les protagonistes échangent à travers leurs regards et leur gestuelle plutôt que d’utiliser la parole. Le travail du directeur de la photographie, Jakob Ihre, est remarquable que ce soit pour les scènes intérieures ou extérieures du film. La composition des plans est très intelligente et sert le récit sans pour autant tomber dans un symbolisme trop forcé. La lumière joue aussi une place importante, puisqu’à de nombreux moments du récit elle devient une projection des personnages. Son absence ou son omniprésence est alors soigneusement réfléchie et offre à ce film réaliste une touche d’onirisme très agréable.

Le journaliste David Lipsky et l’écrivain David Wallace sont respectivement interprétés par Jesse Eisenberg et Jason Segel. Si Eisenberg avait déjà démontré ses talents d’acteurs dans les presque trente films de sa jeune carrière (Zombieland 2009, The Social Network 2010, To Rome with love 2012, The Double 2013…), c’est Jason Segel qui est la grande surprise de ce long métrage. Habitué à des rôles comiques (Marshall dans la série tv How I met your Mother 2005-2014, ou Jason dans This is 40, 2012, pour ne citer que deux rôles), l’acteur montre qu’il est capable d’un jeu plus mature et abouti. James Ponsoldt travaille souvent avec des acteurs de séries et il n’est pas étrange qu’il ait pris le risque de faire interpréter ce rôle complexe par Jason Segel.

Les personnages du film sont emplis de contradictions. Ils ont peur de ce qu’ils recherchent pourtant avec acharnement. Cela fait d’eux des êtres profondément humains. Ce n’est pas la première fois que James Ponsoldt arrive à livrer une œuvre cinématographique qui soit le témoignage crédible d’une tranche de vie. Réussir à capter les émotions, les actes et les expressions qui font de nous des humains, voilà ce que fait The End of the Tour.

 

Nil-Enzo CLEMENTIN

Titre : The End of the Tour

Réalisation : James Ponsoldt

Interprétation: Jason Segel et Jesse Eisenberg

Genre : Comédie Dramatique

Sortie : 24 Février 2016