Ghostbusters (analyse)

Ghostbusters

Le rire est une affaire sérieuse

À plusieurs niveaux, la sortie en 1984 de Ghostbusters (SOS Fantômes en français) fut un succès. Accueilli positivement par de nombreux critiques, le film a engrangé d’excellents revenus au Box-office américain et international. Ses ressorties dans les salles de cinéma en 1985, 2011 et 2014 laissent à penser que l’intérêt du public pour le film n’a pas diminué. Le sentiment est d’ailleurs partagé par la Columbia qui produit actuellement un reboot de la franchise. Ses personnages et ses répliques sont rentrés dans la culture populaire, cités et références dans des séries (Buffy the vampire slayer, 1997-2003) et dans des films (Be Kind Rewind, 2008)

Le film en lui-même raconte l’ascension d’une équipe de combattants du paranormal dont la célébrité va croissante avec la multiplication de fantômes à combattre dans New York. Financé avec un budget de 30 millions de dollars (de l’époque), il mélange plusieurs genres : aventure, fantastique, et surtout comédie. Si le succès critique et public d’un film n’est pas une mesure objective de sa qualité, il est néanmoins un indicateur d’un certain niveau de réussite. En partant de ce constat, on peut se demander pourquoi le film fonctionne pour un si grand nombre de personnes. À quelles qualités intrinsèques pourrait attribuer le succès du film? Les premiers éléments qui viennent peut-être à l’esprit pourraient pointer dans la direction de ses acteurs et de son scénario. Le comportement pince-sans-rire de Bill Murray, les répliques largement improvisées par les acteurs contribuent largement au film. Mais c’est peut-être grâce à des techniques cinématographiques comme le montage ou le mixage sonore que Ghostbusters possède aujourd’hui la réputation d’un film culte.

La célèbre scène du Stay Puft Marshmallow Man située dans le climax du film exemplifie l’importance de ces aspects.  Dans celle-ci, les combattants du paranormal se retrouvent poussés par un démon à choisir la forme que prendra le monstre qu’ils doivent affronter. La décision est prise par le groupe de se vider au mieux l’esprit, mais le mal est déjà fait : Raymond Stanz (Dan Ackroyd) a pensé à quelque chose. Une figure sympathique, inoffensive de son enfance: Stay Puft Marshmallow Man. Le personnage (inventé pour le film) apparaît, haut de 30 mètres dans les rues de Manhattan. Godzilla à l’apparence enfantine et à l’embonpoint sympathique, chapeau marin sur la tête, il est prêt à détruire New York. Les acteurs et leurs répliques sont évidemment essentiels au fonctionnement de la scène. Ils contribuent à donner à celle-ci un point de vue et leurs réactions en font partie intégrante. Au-delà de ces aspects, c’est aussi par des techniques cinématographiques que le film obtient une réaction zygomatique chez son spectateur. Une des forces de Ghostbusters est peut-être l’usage qui a été fait de ces techniques pour servir à la fois l’humour du film, mais aussi son spectacle.

Ce que ces techniques apportent à la scène, c’est un certain sérieux. Le ton des dialogues est humoristique, l’évènement est absurde, mais le son ou le montage permettent d’insister sur le danger représenté par ce personnage. L’arrivée du Marshmallow Man n’est pas abrupte, elle est attendue et construite. Reitman crée à la fois une tension dramatique et humoristique par le montage et le découpage en se concentrant d’abord sur le visage d’Ackroyd, laissant présager par son expression faciale l’apparition de quelque chose d’énorme, mais également de drôle. Il coupe ensuite sur un plan qui ne laisse entrevoir le Marshmallow Man que partiellement, laissant le temps au spectateur de réaliser ce qui est en train se passer, pour enfin révéler le marin Stay-puft dans son intégralité, provoquant la panique dans les rues de New York. C’est un montage qui se met complètement au service de son scénario tout en répondant à certaines habitudes du cinéma de divertissement.

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Par cette approche, c’est l’importance de l’action qui est renforcée. Le moment est drôle, mais il est également impressionnant. La venue du Marshmallow Man est un gag, mais il s’agit aussi d’un vrai enjeu pour les personnages. Le ton de la scène reflète leur perception: ils sont à la fois terrifiés et amusés. Un monstre de trente mètres aux intentions destructrices déambule dans New York et le film le considère comme tel.

La bande sonore évoque quant à elle celles des films à grand spectacle. La Tour Infernale (The Towering Inferno, 1974) ou Godzilla (1954) viennent à l’esprit, participant à la logique de divertissement à grand spectacle dans laquelle le film se place. De nouveau, il s’agit pour ses créateurs d’approcher la scène avec sérieux : la musique est inquiétante, l’environnement sonore lourd et plein de cris. Sans images et sans dialogues, la piste sonore n’est pas très différente de la plupart des films catastrophes. Les cris et les bruits du Marshmallow Man ne sont pas drôles en eux-mêmes, mais ils provoquent l’hilarité parce qu’ils correspondent exactement au bruitage d’un monstre à la Godzilla, mais sont associés avec un personnage incongru à l’aspect attendrissant.

Si Ghostbusters est le film culte qu’il est aujourd’hui, c’est peut-être qu’à l’instar de cette scène, le film approche l’humour et le grand spectacle avec le même sérieux.

Adrien Corbeel