Les démons de la stupeur et du tremblement (FIFF)

Les démons

de la stupeur et du tremblement

Compétition 1ère Oeuvre de Fiction au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF)

 

Les Démons de Philippe Lesage présente la vie de Félix (Édouard Tremblay-Grenier), un petit garçon en proie aux hantises habituelles de l’enfance face au monde adulte encore inconnu. Tout au long du film, le spectateur expérimente au travers des yeux du protagoniste les tourments d’un premier amour impossible, la quête amicale comme sociétale, le questionnement sexuel, les problèmes familiaux et la complicité fraternelle. En parallèle à cette lutte intérieure, une menace extérieure plane en la personne d’un pédophile accumulant les victimes.

Lesage fait partie de ceux qui refusent de choisir entre vocation purement fictionnelle ou documentaire. Nourri par une expérience de documentariste (Ce cœur qui bat (2011), Laylou (2013)), le réalisateur transpose dans une de ses premières fictions une approche contemplative, se contentant de laisser la caméra guetter les réactions des personnages. Ainsi, il part généralement d’un gros plan sur Félix et scrute son entourage, ou à l’inverse repère ce dernier parmi son environnement immédiat.

Ce qui surprend de la part d’un cinéaste ayant majoritairement exploré le domaine documentaire est le manque de mise en valeur du son direct. Les bruits ambiants sont trop souvent camouflés par une musique assourdissante. Lesage désirait vraisemblablement rendre compte du malaise du personnage, de la transe, du flottant dans lequel Félix se meut quotidiennement face à un univers adulte intimidant. De ses entretiens, il ressort que le réalisateur voulait relever le défi de visualiser la vie intérieure de cet enfant. Mais cette tentative débouche paradoxalement sur un dépaysement du spectateur qui peine à rentrer dans le film, et par ricochet à s’identifier à l’univers du personnage.

Ce long-métrage se révèle aussi souffrir d’un problème de rythme tout comme un souci d’agencement. Ainsi, la plupart des séquences apparaissent extrêmement étirées alors que le cinéaste aurait pu passer l’information au spectateur de façon beaucoup plus concise, et surtout moins bavarde comme lorsque Félix avoue à sa sœur les plaisanteries infligées à un camarade. Elles ne sont alors que rarement entrecoupées par de véritables actions, ce qui rend les sujets sous-jacents, notamment la pédophilie et l’homosexualité, encore plus indigestes. Le spectateur se doute que le réalisateur désirait aborder une multitude de thèmes dans un seul film en s’ancrant dans l’enfance. Or, il en résulte moins une tension permanente qu’une perte de repères spectatorielles.

Si le réalisateur a le mérite et surtout le courage d’avoir exploré l’improvisation, les acteurs apparaissent parfois maladroitement dirigés alors qu’ils possèdent du potentiel. Ce constat s’applique plus précisément aux scènes de conflit. La palette d’expressions des comédiens semble avoir été restreinte afin de les typer, au point que le spectateur ne ressent pas toujours une évolution du personnage et manque de s’y attacher. Ce point vaut surtout pour le protagoniste alors que le réalisateur souligne que celui-ci fonctionne comme son alter-ego. Le spectateur ne reçoit toutefois qu’un nombre limité d’informations personnalisées par rapport à ce dernier. Celles-ci sont souvent liées de manière directe à l’intrigue et à sa progression. Ainsi, mis à part son amour caché, ses problèmes familiaux et son attachement fraternel, le spectateur  ignore complètement les goûts et les préférences du garçon, si bien qu’il a l’impression de se retrouver avec un parfait inconnu à la fin.  

Avec Les Démons, Philippe Lesage dépeint une image éclatée de la réalité enfantine. En dépit de certains procédés de mise en scène hasardeux, son film cache une véritable intention d’un cinéma contemplatif et auto-déployant propre à l’auteur qui, en attendant, doit peaufiner son approche et redéfinir les éléments sélectionnés à partir de son parcours documentaire.  

Mara Kupka

Titre : Les Démons

Réalisation : Philippe Lesage

Interprétation : Édouard Tremblay-Grenier, Laurent Lucas, Victoria Diamond, Pier-Luc Funk.

Genre : Drame