Les Demoiselles de Rochefort

>> Campus du Solbosch ULB / Bât. A / Salle AZ1.101
>> 18h30 / Gratuit !
>> Jeudi, 21/04/2016

Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967)

Chanter c’est donner (que) du bonheur

Dans Les Demoiselles de Rochefort, Jacques Demy conte la vie monotone des jumelles Garnier, Delphine (Catherine Deneuve) et Solange (Françoise Dorléac). Les deux sœurs enseignent la danse et la musique à Rochefort. Le quotidien des jeunes femmes en quête d’amour et de gloire est bouleversé par l’arrivée de forains. Etienne (Georges Chakiris), leur meneur, et son mécanicien Bill (Grover Dale), s’éprennent des deux Garnier. Aux aventures amoureuses des jeunes femmes s’ajoutent celles de leur mère, Yvonne (Danielle Darrieux) ou de Maxence (Jacques Perrin), marin et poète ébauchant son idéal féminin, en faisant un détour par le meurtre passionnel d’un homme banal (Henri Crémieux).

A sa sortie en 1967, Jacques Demy concède que son film vise à transmettre un sentiment euphorique et à créer l’espoir. Les couleurs étincelantes, voire kitsch, qui abritent la garde-robe des personnages comme les décors de la ville entière cachent des thèmes plus profonds, moins bon-enfant. En dépit de la surabondance de rimes et de la prépondérance de l’intrigue amoureuse, le long-métrage ne se contente pas de narrer les histoires de cœur entre-chassées d’une petite localité. Inceste sous-jacent, question du genre, émancipation latente, le réalisateur excelle dans l’art d’effleurer des préoccupations très modernes et toujours d’actualité, sans sombrer dans le pessimisme. Ainsi, le cinéaste revernit et englobe d’une lumière chaude la réalité d’une commune provinciale. Celui qu’Agnès Varda surnomme « Jacquot de Nantes » redonne ses lettres de noblesse à l’étiquette souvent péjorative des soap operas et ajoute une touche personnelle au genre pourtant largement exploité du music hall. Les personnages effectuent un parcours initiatique, une catharsis qui passe par la danse et par le chant calquée sur la structure en alternance propre aux comédies musicales hollywoodiennes.

Moins tranché que dans Peau d’Ane (1970) du même réalisateur et moins catégorique que son homologue Rivette, Demy arbore un mélange plus subtil entre réel et merveilleux. Cette symbiose qui relie les deux mondes à l’instar du pont transbordeur visionné en ouverture et en fin du long-métrage parasite également la mise en scène, le doublage. Ce décalage a moins la vocation de perturber le spectateur que de le transposer dans un monde mi-idéalisé, mi- enfoui sous les apparences, à l’image du portrait de Maxence.

Plus anecdotique, Les Demoiselles de Rochefort est aussi l’occasion d’apprécier le jeu des « sœurs Dorléac », Françoise et Catherine, dans un même long-métrage avant l’accident de voiture fatal de l’aînée après la sortie du film.

Mara Kupka

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