Amis Publics d’Edouard Pluvieux

Après avoir cartonné au box-office sous les traits d’Aladin, le minet favori des 12-17 ans Kev Adams semble vouloir être pris au sérieux. Qui pourrait le blâmer ? Il a choisi pour ça le premier film d’Edouard Pluvieux, Amis Publics. Le film raconte l’histoire de Léo, un jeune Lyonnais dont le petit frère est atteint d’un cancer suite à une explosion pétrochimique près du terrain de foot sur lequel il jouait étant plus petit. Léo décide alors avec sa bande d’amis de réaliser le rêve de son petit frère en organisant un faux braquage. Malheureusement ils se trompent de banque et deviennent des criminels malgré eux. Comédie sur le cancer, film populaire au grand cœur, Amis Publics ne cesse de tomber dans les pièges du genre.

Le premier problème d’Amis Publics est sa démagogie pure et abusive. Le film est une ligne droite absolument plate et prévisible vers un simplisme aberrant. Il est impossible de ne pas être d’accord avec le message du film et il est en même temps impossible d’être d’accord avec lui. Cela est dû au fait que rien ne vient bousculer, choquer ou confronter ce joli message niais qui nous est servi dans un emballage rose bonbon sentant la fraise. Le film prend le parti de traiter un sujet plus qu’épineux et difficile : le cancer. C’est toujours un pari risqué de centrer un film sur la maladie, surtout sous un jour comique comme ici. On peut citer Le Bruit des glaçons (2010) de Bertrand Blier qui, par le biais d’une personnalisation du cancer, se permettait bien des insolences. Ici, le film touche à un endroit plus sensible encore : le cancer chez les enfants et les ados. Il faut saluer la démarche, plutôt rare au cinéma, de faire rire d’un sujet extrêmement tabou comme celui-ci. Mais le problème est que justement le film n’en rit pas ou alors pas comme il faut. Passant du tragique au comique (limité dans le film à trois ou quatre blagues qui, bien que drôles, restent politiquement correctes), le film semble avancer et reculer sur son propre terrain, hésitant sans cesse. Du coup, Amis Publics donne vite l’impression de s’excuser en permanence de ses propres blagues, comme honteux de rire d’un sujet aussi grave. Cela désamorce complètement la volonté du film de désacraliser le cancer. Le film d’Edouard Pluvieux a du mal à assumer un genre et un discours, basculant très vite dans un registre tire-larme facile et finalement très peu pertinent et original dans sa manière de traiter un sujet aussi compliqué.  

Mais le film, comme toute bonne comédie populaire, se doit de donner de l’élan à un message, des valeurs qu’il veut propulser dans le cœur de son public. Pour ça, l’histoire s’y porte à merveille. Suite à une injustice sans nom, une bande de jeunes devient malgré elle l’étendard dénonciateur derrière lequel se rangera le peuple avec ferveur ! Ici, la famille, la solidarité, le partage sont au cœur de chaque scène. Le problème est que le film nous impose l’acceptation de ces valeurs (à coup d’émotions et de larmes bien senties) sans jamais les questionner ni les faire naître naturellement. Il est évident qu’il est impossible d’être contre un film prônant avec tant d’énergie la tolérance, la solidarité, l’égalité… Mais la manière dont il le fait n’est pas juste. Amis Publics prend le spectateur en otage sans jamais questionner les valeurs qu’il lui vend pour montrer comment et pourquoi il est juste qu’elles soient acceptées et partagées par tous. A tel point que dans Amis Publics, on touche parfois à l’invraisemblable (notamment dans les confrontations entre la police et les braqueurs). La trame du film se déroule sans aucun obstacle, perdant parfois quelques idées au passage qui ne viennent en rien entraver le chemin de ce bulldozer plein de bons sentiments.

Amis Publics n’a pas la prétention d’être un film révolutionnaire. La comédie d’Edouard Pluvieux se veut avant tout populaire, ce que le public nombreux validera sans doute. La démarche est honnête, les valeurs véhiculées incontestables et certaines blagues font sourire. Mais c’est un film dont la simplicité, la banalité (voire la médiocrité) cinématographique et le manichéisme desservent complètement les objectifs. Car si le cinéma populaire s’oppose au cinéma intellectuel (qui a lui aussi ses nombreux travers), cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas être intelligent.

Mathilde BELIN

Titre : Amis Publics

Réalisation : Edouard Pluvieux

Genre : Comédie

Interprétation : Kev Adams, Vincent Elbaz, Paul Bartel, John Eledjam

Date de sortie : 24 février 2016