Comment c’est loin

« Comment c’est loin »

« Des histoires à raconter »

12:08 – Si dans leurs « histoires à raconter », Orelsan (Aurélien Cotentin) et Gringe (Guillaume Tranchant) – les Casseurs Flowters – semblent galérer, dans la vraie vie la productivité et le succès sont au rendez-vous (deux victoires de la musique pour Orelsan). Leur dernier album-concept sous l’emblème des Casseurs Flowters (en référence aux deux méchants dans le film Maman, j’ai raté l’avion de Chris Columbus, 1990) fût un succès et est à l’origine du pitch du premier film d’Orelsan : Comment c’est loin.

« C’est encore deux connards dans un abribus »

14:12 – Orelsan et Gringe, la trentaine, galèrent à écrire leur premier album de rap. Leurs producteurs, Ablaye et Skread, posent un ultimatum : écrire une chanson en 24 heures. Entre la procrastination, les pérégrinations dans la ville de Caen, les histoires d’amour et de cul, les punchlines et les blagues houleuses, les potes loosers et la peur de l’échec, le chemin vers la réussite est encore loin pour le duo de rappeurs.

« Comment c’est bien »

15:35 – Comment c’est loin est l’adaptation ou le prequel filmé de leur album-concept. Une manière de mettre des images sur les mots, qui ravira les fans du duo de rappeurs. Les thématiques chères à Orelsan et Gringe, tels que la procrastination, le sexe, la vie nocturne et la musique, font la part belle du film. Le titre d’une chanson de la bande originale résume assez bien l’histoire de deux potes loosers-glandeurs: « L’avenir appartient à ceux qui se lèvent à l’heure où je me couche ». Un divertissement décliné en film musical percutant et touchant.

« Si t’as pas de nouvelles histoires, on va les remasteriser »

19:56 – Quelques redondances s’immiscent inévitablement dans l’histoire du film, par rapport à celle de l’album, et pourraient d’ailleurs en réfréner certains, mais l’illustration imagée corrobore finalement assez bien l’esprit des Casseurs Flowters. Leur histoire autobiographique fictionnalisée parvient véritablement à surprendre en se jouant de cette attente du spectateur. Les avertis comme ceux qui ne connaissent pas le groupe de rap passeront un agréable moment devant le grand écran. Les sujets critiques de l’adolescence sont abordés avec émotion et humour, entre des punchlines décapantes, parfois âpres, et touchantes de vérité. Même si l’on regrette les propos controversés des personnages, toutefois fictifs, envers les femmes. « Courage, tendresse et réflexion… ne sont pas leurs plus grandes qualités » pourraient-ils se défendre avec les paroles de l’intro de leur premier album.

« Change de potes »

22:21 – L’humour et la sincérité des propos se mêlent parfaitement à l’esprit du casting principalement composé des potes d’Orelsan. Si les acteurs sont pour la plupart non professionnels, cela n’entrave pas la plongée du spectateur dans l’univers des Casseurs Flowters. Au contraire, cela renforce même le côté proximité et vraisemblance avec la réalité (souvent cocasse) des relations entre ces amis particuliers. Mention toute particulière au personnage déluré de Claude (DeuKlo). Une bande de potes dans laquelle chaque spectateur puise avec empathie un alter ego de sa vie d’adolescent.

« Nouvelle journée »

00:23 – Le récit du scénario se décline efficacement de la même manière que le concept de l’album : 24 heures pour écrire des chansons, avec une temporalité divisée en plusieurs parties. Du lever « matinal » à 14h58 jusqu’à la petite aube à 6h16 du matin. Un timing réduit qui augmente l’enjeu dramatique du film. Surtout, chaque interlude entre les « épisodes » est comblé par un instant musical, à l’inverse de l’album dont l’espace entre les chansons est quant à lui empli par des dialogues, d’ailleurs habilement introduits en clins d’œil dans le film. Un retournement et une mise en abîme audacieuse qui produisent leur effet auprès des admirateurs.

« La mort du disque » ?

01:47 – Le film qui se présente comme une comédie semi-musicale remplit son contrat. Malgré un manque d’identité visuelle, pardonné par le fait qu’il s’agit d’un premier film, la mise en scène reste simple. Sinon les sons envoient du lourd ! La bande originale composée par le producteur Skread (Matthieu Le Carpentier) enivre par ses mélodies. Les textes d’Orelsan et Gringe sont toujours aussi criant de sincérité à l’écran qu’en CD. Le mariage entre la musique et l’histoire fonctionne sans vergogne. Le flow des personnages Casseurs, écrit en cours de route, vient poindre assez justement chaque palier des personnages, balançant d’une émotion à l’autre, du rire au désespoir, du fatalisme à l’optimisme. Nous soulignons particulièrement l’écriture et la performance filmée du freestyle en live et la synergie des personnages (et acteurs/amis) pour la radio « Phoenix ». Une séquence qui renvoie vers les origines de Casseurs Flowters et dont Comment c’est loin est la jonction vers le nouvel opus, à la fois bande-originale du film et nouvel album du groupe, qui sort en même temps que le film dans les bacs. Un premier film joliment construit qui promeut habilement un nouvel album complémentaire, et inversement, dans un coup marketing doublement réussi pour une seule devise méritée « Prends des pièces » ! Si peu et si bien pour les Casseurs Flowters autoproclamés le “groupe de rap le moins productif”. Bref, un film à voir “ en boucle, en boucle, en boucle,…”

Willems Bertrand

Titre : Comment c’est loin

Réalisation : Orelsan & Christophe Offenstein

Musique : Skread

Genre : comédie, comédie musicale

Date de sortie : 23 décembre 2015