Les Cowboys de Thomas Bidegain

Présenté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes, Les Cowboys est le premier film de Thomas Bidegain (scénariste de Jacques Audiard – Un prophète, Deephan). Il réunit pour la seconde fois François Damiens et Finneran Oldfield qui avaient déjà joué ensemble dans Les Hauts Murs en 2006. Ce film, qui a mis des années à prendre forme, raconte l’histoire d’une soudaine disparition, celle de Kelly, 16 ans, lors d’une fête country dans l’est de la France. Le père, Alain (impressionnant François Damiens), va se lancer dans un voyage qui le mènera dans plusieurs pays à la recherche de sa fille. Georges dit le « Kid » (fascinant Finneran Oldfield) accompagne son père dans des voyages désespérés, grandissant dans l’ombre de celui-ci. Un évènement va, de nouveau, ébranler les personnages et obligeant “Kid” à sortir de l’ombre pour poursuivre les recherches.

La première partie du film est assez classique: le film s’ouvre lors d’une fête country, tout le monde est heureux, mais soudain, c’est le drame, Kelly disparaît mystérieusement. Le père va peu à peu sombrer dans l’obsession de retrouver sa fille, quitte à s’isoler du monde. Le jeu de piste n’est pas particulièrement palpitant. Alain et son fils se rendent dans différents pays suivant les informations que récolte le père. Malheureusement, c’est trop mécanique. Alain reçoit une information sur l’endroit où se trouve sa fille, s’y déplace avec son fils et la manque de peu. L’obstination d’Alain va se renforcer alors que les années s’écoulent et que ses recherches n’aboutissent à rien. Le fils est plutôt un personnage accessoire « scénaristiquement ». Il ne dit rien et ne fait que suivre aveuglément son père. Il faudra attendre qu’il mûrisse pour qu’il s’affirme et devienne un personnage à part entière.

En revanche, la deuxième partie est bien plus intéressante: le fils va sortir de son cocon et prendre des décisions qui vont radicalement changer sa vie. Elles le mèneront jusqu’au Pakistan où il sera confronté aux Talibans. Kid sera aux premières loges de la cruauté de l’homme et devra agir afin de survivre.

Par conséquent, la quête de Kelly, bien qu’elle est le moteur des actions de Kid, doit maintenant coexister avec son parcours initiatique. Ses interactions avec d’autres personnages – amicaux ou hostiles – forgeront le caractère du jeune homme.

La temporalité est un élément omniprésent dans cette œuvre, étant donné que l’histoire se déroule sur 17 ans. La présence d’ellipses narratives est donc inévitable mais pas toujours  bien utilisée ou claire. Lors de la disparition de Kelly, la narration prend son temps pour installer les personnages et l’impact de cette tragédie sur la famille. Pour montrer que l’enquête désespérée du père (et du fils) est toujours vive, les ellipses seront plutôt habilement utilisées au point de confondre le spectateur. Cependant elles ne sont pas toujours évidentes et c’est au spectateur de déceler dans les dialogues qu’un certain temps est passé. De plus ces ellipses occultent une grande partie des tentatives du père pour retrouver sa fille et en atténuent l’impact émotionnel. Ainsi les années passent trop rapidement et le spectateur n’a pas l’occasion de mesurer la gravité et les conséquences de la disparition sur la communauté. C’est à croire que la tragédie n’affecte que le père, le fils (même s’il ne le montre pas) et la mère (qui reste bien trop passive et absente). Par conséquent cette partie aurait gagné à prendre littéralement son temps. Le spectateur n’a pas le temps de s’investir dans ce qu’une ellipse narrative vient ébranler.

De nouveau la deuxième partie est mieux gérée de ce point de vue: le temps passe mais des évènements dramatiques qui vont changer le monde ancrent clairement les actions du Kid dans le temps. Des ellipses de moins grande envergure viennent dynamiser la narration qui prend qui s’installe dans la durée et qui permet une plus grande psychologie et une meilleure empathie pour les actions du personnage.

Plus globalement, le film s’inscrit dans une époque qui a vu l’émergence et l’ascension des Talibans. L’histoire est directement liée à ces évènements, mais d’un point de vue intimiste qui rend la menace terroriste encore plus inquiétante.

Grâce à son sujet fort et d’actualité, Les Cowboys emmène le spectateur aussi bien dans différents pays que dans les tréfonds de l’âme humaine. Les quelques maladresses n’entachent pas pour autant la puissance du film qui rappelle que personne n’est à l’abri et renvoie le spectateur à sa propre insécurité.

Pierre GILLIQUET

Titre : Les Cowboys

Réalisation : Thomas Bidegain

Interpétation: François Damiens, Finnegan Oldfield, John C. Reily.

Genre Drame

Sortie : 9 décembre 2015