The Pearls Of The Stone Man : Hollywood made in Japan (FIFB)

The Pearls Of The Stone Man de Yuzo Asahara

Hollywood made in Japan

FIFB : Compétition Internationale

Projeté pour la première fois en Europe le 19 novembre dernier à Bozar en présence de sa productrice, Komatsu Takako, The Pearls Of The Stone Man avait pour mission de représenter le Japon lors de la première édition du Festival International du Film de Bruxelles. En compétition face à 5 autres longs métrages, c’est l’actrice Kanako Higuchi qui a été mise à l’honneur en recevant le prix de l’interprétation féminine. Mais que vaut le reste de l’œuvre ?

Loin de Tokyo et de ses six mille habitants au kilomètre carré, c’est en pleine campagne japonaise que le réalisateur Yuzo Asahara emmène son spectateur dans ce long métrage dramatique.  

Atsuki (Koichi Sato) et Kyoko (Kanako Higuchi) forment un couple de retraités profitant des beaux jours dans une maison isolée. Tout droit revenue d’un séjour à l’hôpital, Kyoko annonce à son mari ses nouveaux projets : faire bâtir un mur entourant leur propriété. Obligé de délaisser son fauteuil et sa télévision, Atsuki prend part à contrecœur  à cette construction, aidé par Toru (Shuhei Nomura), un jeune ouvrier solitaire. Au fil des quatre saisons sur lesquelles s’étalent les travaux, le quotidien d’Atsuki se retrouve fortement chamboulé par divers événements le frappant lui et son entourage.

C’est dans son usage du concept de limite que The Pearls Of The Stone Man puise son intérêt. Habituellement synonyme de séparation, le mur est ici symbole d’unification et fait office de carrefour entre deux univers qui n’étaient pas supposés se rencontrer : la sagesse tranquille représentée par Atsuki et la jeunesse impulsive qu’incarne Toru. Cette rencontre va renvoyer l’un comme l’autre à ses erreurs passées afin de mettre les personnages sur la voie d’une seconde chance. Telles les pierres qu’ils entassent l’une sur l’autre à mesure que le film avance, les deux hommes vont petit à petit se construire des vies bien différentes de celles auxquelles ils étaient habitués.

Yuzo Asahara livre un film très symptomatique de l’état actuel du 7ème art qui s’américanise un peu plus de jour en jour. Adaptation du livre éponyme écrit par l’américain Edward Mooney Jr., The Pearls Of The Stone Man aurait pu inverser les règles imposées par Hollywood en greffant à l’histoire de base les codes propres au cinéma Japonais. Il n’en est rien.  Loin de la simplicité dont fait preuve Yasujiro Ozu pour aborder le thème de la famille à la fin des années cinquante, le scénario enchaîne mélodrame sur mélodrame durant deux heures.

Entre coups de théâtre abracadabrantesques, émotion préfabriquée et personnages étouffés par trop de bons sentiments, la sensation de se retrouver face à un mauvais téléfilm hollywoodien se fait sentir à de nombreuses reprises pouvant provoquer le décrochage du spectateur. La palme est sans aucun doute attribuée aux lettres de Kyoko. Malgré le contexte tragique dans lequel s’inscrivent ces séquences, nul doute qu’elles en feront sourire plus d’un de par leur aspect mièvre.

Seule dénotation avec les standards hollywoodiens : la place accordée aux aînés. La culture japonaise est réputée pour respecter comme il se doit les personnes âgées et il s’agit d’un aspect très présent dans The Pearls Of The Stone Man. Contrairement au cinéma états-unien obsédé par la jeunesse, le couple de retraités est ici au centre de toutes les attentions. L’exemple le plus frappant est celui de Sae (Hana Sugisaki), la copine de Toru, qui idolâtre littéralement Atsuki et Kyoko tout au long du film.

Malgré ses défauts, The Pearls Of The Stone Man est sauvé par son casting, et plus précisément, par les vétérans qui le composent. À commencer par Koichi Sato. Véritable pilier du film, l’acteur arrive à créer une véritable empathie de la part du spectateur pour son personnage en dépit des défauts de celui-ci. Sa partenaire à l’écran, Kanako Higuchi apporte un vrai vent de fraîcheur à travers son interprétation de retraitée débordant d’optimisme. L’actrice a d’ailleurs obtenu le prix de la meilleure interprétation féminine du festival. L’alchimie entre les deux comédiens permet au film de débuter sur un ton léger, simple et authentique avant de sombrer dans le mélodrame. Autre grand atout de la distribution, Akira Emoto incarne un père de famille doté de principes pour le moins extrêmes. Sa présence dans la dernière partie du film permet de lui redonner la fraîcheur des premières scènes grâce à ses interventions hilarantes.

Du côté de la génération plus jeune, Shuhei Nomura et Hana Sugisaki (dont la voix perçante devrait hanter beaucoup de têtes) font preuve à la fois de charisme et de présence. Une raison de plus de regretter le manque de nuance prévu par le scénario pour leurs rôles. Entre le bad boy en pleine rédemption et la jeune ingénue, la récupération de stéréotypes vus et revus dans les teenshows américains dénote totalement avec les autres personnages. C’est d’ailleurs au travers de ces derniers qu’arrive le flot de mélodrames gâchant considérablement le film.

Tout au long de son déroulement, le FIFB a fait preuve d’une grande pertinence dans sa sélection de films projetés. Cependant, le choix The Pearls Of The Stone Man pour le Japon est tout à fait discutable aussi bien quant à sa qualité qu’à sa légitimité à représenter cette culture.

Robin Fourneau

Titre : The Pearls Of The Stone Man (Titre original : 愛を積むひと)

Réalisation: Yuso Asahara

Interprétation: Koichi Sato, Kanako Higuchi, Keiko Kitagwa, Suhuhei Nomura, Hana Sugisaki, Akira Emoto

Genre : Drame