Le Puits de Lotfi Bouchouchi : Une histoire sans fond (FIFB)

Le Puits de Lotfi Bouchouchi

Une histoire sans fond

FIFB: compétition internationale

La guerre d’indépendance fait rage en Algérie. La population d’un petit village se voit contrainte de rester chez elle, entourée d’un groupe de soldats français menaçant de tuer quiconque essayerait d’en sortir. Mais le temps passe et l’eau vient à manquer. Voilà le pitch plein de promesses du premier film de Lotfi Bouchouchi, Le Puits. Adapté d’une nouvelle du réalisateur lui-même, le film se veut une fable sociale et universelle. Malheureusement, malgré une première scène alléchante et quelques jolis plans, Le Puits sonne creux et brasse pendant une heure et demi le vent du désert Algérien.

Pour son premier film, Lotfi Bouchouchi décide d’adapter une de ses nouvelles du même nom. Malheureusement, il semble que la transition de la forme littéraire à la forme cinématographique n’ait pas été faite. Le réalisateur n’utilise pas les outils appropriés au cinéma comme la mise en scène, le montage, la narration ou encore le cadrage et il semble vouloir faire du cinéma avec un stylo, ce qui n’est pas possible. On se retrouve alors avec une histoire touchante sûrement très agréable et belle sur papier, mais qui n’a rien d’un film de cinéma. Loin des Hommes (2014) qui traitait du même sujet et lui aussi adapté d’une nouvelle, en est ici le parfait contre exemple. Là où le film de David Oelhoffen déconstruisait la nouvelle d’Albert Camus, L’Hôte, pour en extirper le potentiel cinématographique et à partir de cela reconstruire un film, Le Puits se contente de filmer le texte. Du coup, la mise en scène est inexistante et sur chaque plan pèse la maladresse d’une caméra bien intentionnée mais qui n’a rien à filmer.

De plus, si un film ne doit rien au réalisme, il se doit tout de même d’être vraisemblable. C’est là le gros, l’énorme, le gigantesque défaut du premier film du réalisateur algérien : rien n’est vraisemblable. Chaque réaction, chaque scène, chaque tournant narratif semble sortir de nulle part sans aucune logique. Tout ce qui est important pour comprendre les tenants et les aboutissants de l’histoire est refusé au spectateur dans la tête duquel s’amassent les questions et très peu de réponses. Le Puits digresse pendant plusieurs minutes sur des éléments d’une importance minime (comme la scène d’interrogatoire dont on ne voit pas la fin) et passe à toute vitesse sur les éléments les plus importants de l’histoire (LE PUITS !) et les plus susceptibles de faire naître une émotion chez le spectateur. Le film défile devant nos yeux sans jamais accrocher ne serait-ce qu’un semblant d’intérêt.

Le problème majeur réside avant tout dans le scénario, extrêmement pauvre et mal construit. A coup de dialogues explicatifs et fastidieux, l’histoire se noue sans qu’on s’y intéresse et se dénoue (ou pas) sans nous avoir montré autre chose qu’un ramassis de personnages inutiles. Peu développés et grossièrement caractérisés, ils ne font jamais naître chez le spectateur aucune forme d’empathie. Cela est étroitement lié au jeu des comédiens puisque force est de constater que Lotfi Bouchouchi est un piètre directeur d’acteur. Si certains d’entre eux tentent tant bien que mal de se dépatouiller avec des répliques creuses en y mettant du coeur, il n’en reste pas moins que le résultat prête parfois à rire tant il est médiocre (l’adoption de l’accent marseillais par l’un des comédiens fait osciller le spectateur entre le rire et la pitié). S’ajoute à cela une esthétique peu travaillée et un mixage qui semble ne pas avoir été fait (chaque coup de feu vous déchire le tympan). Le tout fait du Puits un film dont il ne reste malheureusement pas grand chose à sauver.

Si les plus grands chefs-d’œuvre étaient nés de bonnes intentions, Le Puits en serait le Roi. Malheureusement on ne fait pas un film avec de bonnes intentions. Une si maladroite utilisation des outils cinématographiques ne peut déboucher que sur un mauvais film malgré une bonne idée de base. Une longue chute sans fond d’une heure trente empêche même la jouissance d’une scène finale potentiellement émotionnelle. Dommage.

Mathilde BELIN

Titre : Le Puits

Réalisation : Lotfi Bouchouchi

Interprétation : Nadia Kaci, Laurent Maurel, Zahir Bouzerar

Genre : Drame historique