Dolares de Arenà : Argent et sentiments (Pink Screens 2015)

Dolares de Arenà

Argent et sentiments

(Pink Screens 2015)

De l’amour, du sable et beaucoup, beaucoup d’argent. Voilà les trois éléments qui régulent les relations tarifiées sur la plage de Las Terrenas, en République Dominicaine. Noéli et son petit ami font marcher leur commerce, profitant de la richesse des touristes le temps de quelques jours, quelques semaines… quelques années, parfois. Projeté aux Pink Screens 2015, Dolares de Arenà dresse le portrait magnifique d’une jeunesse qui tente de prendre sa vie en main avec les moyens du bord.

Anna (Géraldine Chaplin) est une femme âgée qui souhaite finir ses jours au soleil et qui s’est improvisé un petit coin de paradis sur les hauteurs de Las Terrenas. Depuis trois ans, elle fréquente Noéli (Yanet Mojica), une adorable jeune fille dont elle s’est amourachée. Mais au fur et à mesure qu’elle marchande sa présence et son corps, Noéli tente d’obtenir des rétributions de plus en plus élevées de la part la vieille dame.

Le film de Laura Amelia Guzmán est basé sur l’accumulation de contrastes visuels et sonores pour décrire une situation sociale et des rapports de pouvoir dans une société post-coloniale. Dans Dolares de Arenà, tout n’est que démonstration d’un parti-pris; la peau blanche et vieillie confrontée à la peau noire et lisse, les maisons de touristes de style colonial opposées aux habitations autochtones ainsi que le brouhaha de la ville monté en alternance avec les bruits d’une nature indomptée constituent les marqueurs choisis par la réalisatrice pour démontrer les conséquences d’un tourisme de masse. Une série de choix qui évitent au spectateur une lecture en surface et l’invite ainsi à comprendre l’histoire grâce au contexte dans laquelle elle se déroule.

Adapté librement du livre de Jean-Noël Pancrazi (Dollars des Sables, 2006), le film délivre une romance peu conventionnelle. On aurait pu craindre que le film adopte un ton moralisateur dans son traitement de la prostitution mais il délivre une véritable compréhension des tenants et aboutissants des actions de chacune de protagonistes. Cette complexité des personnages pousse à questionner des codes et des conventions qui ne sont que très rarement discutées au cinéma.

Car même si le film traite d’une relation lesbienne, à aucun moment on n’assiste à l’étalage du corps sexué, à la différence de La vie d’Adèle de Abdellatif Kechiche (2013). Il s’agit plutôt de donner à voir les difficultés émotionnelles posées par une relation à sens unique: l’obsession d’Anna pour Noéli est telle qu’elle devient palpable, parfois presque angoissante. Une essence de la passion amoureuse que le jeu de Géraldine Chaplin porte à son paroxysme.

Loin de verser dans le sensationnel ou le voyeurisme forcené, Dolares de Arenà captive par sa retenue et par son désir de rester au plus près de la vérité des relations humaines, sans propos misérabilistes ou raccourcis faciles.

Caroline Merlo

 

Titre: Dolares de Arenà

Réalisation: Laura Amelia Guzmán

Interprétation: Géraldine Chaplin, Yanet Mojica, Ricardo Ariel Toribio

Genre: Drame