À Vif ! : un drama servi tiède

À Vif !

Un drama servi tiède

Après avoir réalisé quelques épisodes de la série US Shameless (2011) ainsi que le long métrage August : Osage County (2013), le producteur John Wells dresse une nouvelle fois la table et nous invite à déguster sa dernière comédie dramatique. Au menu : sexe, drogue et rock’n’roll. Enfin, c’est ce qu’on pensait…

Adam Jones (Bradley Cooper) est un chef américain de renom qui s’est fait une place à Paris, dans le monde de la grande gastronomie. Après avoir durement gagné ses deux étoiles au guide Michelin, celui-ci s’est enfoncé dans la drogue, l’alcool et la nymphomanie. Ce n’est qu’après avoir purgé sa peine en désintoxication qu’Adam Jones décide de refaire surface.

Et c’est ici que le film commence. L’ex-chef, qui semble être devenu “clean, ouvre des huîtres à la chaîne dans un bouge de Louisiane, état du sud des États-Unis dans lequel il a échoué pendant son addiction à la cocaïne et à l’héroïne. À partir de ce moment, tout s’enchaîne un peu trop vite; Adam décide de partir à Londres pour rouvrir son restaurant et de continuer sa carrière prometteuse afin de décrocher une troisième étoile. Pour ce faire, il va tenter de s’entourer de la crème de la crème de la gastronomie londonienne.

Malheureusement la mayonnaise ne prend pas. Distribué par la très emblématique Weinstein Company, À vif ! manque de crédibilité dès le premier quart d’heure. De ce chef annoncé comme un Rolling Stones de la cuisine, le scénario laisse à peine entrevoir les traces d’un passé chaotique. Pas de flashbacks ni de mise en abîme de cette descente aux enfers qu’il aurait été pourtant bénéfique de montrer, ne serait-ce que pour la mise en place du personnage principal. La première partie du film est donc entièrement faite de dialogues éparpillés concédant quelques indices sur le passé d’Adam Jones, sans qu’elle n’offre réellement la possibilité au spectateur de s’en faire une idée .

Certes, Adam Jones se conduit en véritable arrogant, trop sûr de lui, hargneux, bref tout ce qu’on attend d’un grand chef, mais la consistance du personnage laisse vraiment le spectateur de bois. Plutôt que d’être le meneur, Bradley Cooper incarne un personnage un peu trop prévisible pour être crédible. Hélène et Tony, respectivement interprétés par une Sienna Miller très humaine et un Daniel Brühl à l’accent espagnol plutôt convaincant, viennent heureusement donner un peu de relief à ce personnage vendu comme « haut en couleur ». Autre déception, l’affiche promettait les présences d’Emma Thompson et d’Uma Thurman, qui ne tiennent finalement que deux petits rôles.

Ses diverses crises de nerfs et autres poussées de colère limitent Adam Jones à un protagoniste détestable et détesté auquel on peine à s’attacher ou à éprouver un semblant d’intérêt. Ne reste au film que ses très beaux plans sur des plats dont l’esthétique quasi virtuose est rendue avec finesse à l’écran, ses séquences ingénieusement montées afin de faire partager l’intense bouillonnement en cuisine lors des soirs de grande affluence et son admirable photographie.

Bien que ses nombreux défauts n’empêchent pas le film d’être une machine bien huilée pour appâter les amateurs de comédie romantique, À Vif ! ne dépasse pas les limites de la petite comédie facile à regarder et n’impressionne pas plus que cela. Au contraire, il déçoit et on se retrouve à mille lieues de ce que le synopsis nous annonçait et qui donnait presque l’eau à la bouche.

« Ne sous-estimez jamais un homme qui n’a rien à perdre » annonce le pitch commercial. Sauf qu’il est difficile d’estimer un protagoniste principal manquant autant de profondeur. Donc, au lieu d’aller voir À Vif !, mieux vaut revoir Ratatouille, parce que les rats sont toujours plus sympathiques qu’un chef qui joue les divas.

Caroline Merlo

 

Titre: À vif!

Réalisation: John Wells

Interprétation: Bradley Cooper, Sienna Miller, Daniel Brühl, Omar Sy

Genre: Drame, comédie

Date de sortie: 2 décembre 2015