Our City : Bruxelles est la ville de chacun (FIFF)

Our City

Bruxelles est la ville de chacun

Prix spécial du jury au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF)

 

Maria Tarantino livre dans son documentaire une image des multiples facettes de la ville de Bruxelles. En compagnie de la réalisatrice, le spectateur part découvrir de nombreux personnages et retrace leur parcours, toutes nationalités confondues. La documentariste nous renvoie ce faisant à des questionnements plus existentiels occasionnés par le déracinement, l’héritage culturel et le rythme effréné qui caractérisent ces grandes villes dont Bruxelles est l’exemple phare. Le titre recèle donc une visée programmatique : d’une scène de bar jusqu’aux mélodies ethniques dans une ambiance clip, tous les types de population et les origines sont passés en revue.

De manière générale, Our City ne pose pas nécessairement de nouvelles bases pour le genre documentaire, mais puise dans les composantes classiques. Ainsi, le spectateur retrouve l’obsession pour les gestes, les mains, et dans une moindre mesure, des pieds. La caméra aime guetter les réactions et l’état d’âme des personnages face à des sujets délicats, scruter les gestes quotidiens des travailleurs dans des rituels essentiels, regarder des musiciens caresser leur instrument ou parcourir le travail d’une bijoutière singulière, etc.

Thématiquement, Tarantino procède de la même façon : partir des concepts préétablis du genre, la ville étant un sujet de prédilection du documentaire depuis Walter Ruttman. Cette figure de la ville comme personnage principal apparaît simultanément composée d’éléments et de personnages qui sont autant des entités autonomes. Le spectateur vit et vibre alors avec ce(s) protagoniste(s) au fur et à mesure des différentes étapes d’une journée.

Tarantino rend ses lettres de noblesses au film documentaire :  elle lève le voile sur l’image un peu trop stéréotypée et trop superficielle de Bruxelles. Le spectateur est ainsi surpris par l’aspect et le reflet des fenêtres hétérogènes d’un bâtiment qui, à l’image du film, tentent de nous livrer une image diversifiée de la réalité quotidienne souvent banalisée.

Autre emprunt : la réalisatrice joue régulièrement sur l’opposition image-son afin de dresser un commentaire sur le paysage qui l’entoure, ou stimuler notre imaginaire qui nous emmène dans des contrées apparemment lointaines et exotiques. A un moment, le spectateur s’interroge s’il est toujours en territoire connu ou s’il s’aventure dans le désert.

Quand elle explore des sujets de façon plus frontale, Tarantino évite toutefois de tomber dans un ton trop pédagogique. Elle s’amuse par exemple à filmer et à mettre en scène des moments de basculements, de changement d’ambiance. Ainsi, un ouvrier égaie la démolition inévitable et a priori dramatique d’un immeuble en interrompant l’air sérieux de son collègue par la chanson de Baloo tiré du Livre de la jungle de Disney (1967). A un autre moment, une table ronde animée par un intermédiaire au sein de jeunes hommes d’origines diverses provoque plus un rire doux-amer que le simple consternement. L’ironie et l’humour se révèlent alors des ingrédients clés qui permettent de s’attaquer sur un ton décalé à des débats tels que la revendication d’être bruxellois.

Par les enfants, qui ouvrent et ferment à la fois ce long-métrage, Tarantino recourt à un autre motif récurrent du genre. Ce dernier détient par ailleurs un message métaphorique : nous sommes à la veille d’une nouvelle génération. Simultanément, les enfants confèrent au film un aspect d’éternel retour et de continuité soulignés par l’accompagnement à l’accordéon. Mais la caméra et ses perspectives semblent aussi porter un regard émerveillé sur la ville, le quotidien, la vie en général, précisément à la manière d’un enfant qui observe avec des grands yeux ce monde infini qui l’entoure.

Le portrait dressé par le documentaire Our City s’apparente à un collage, un puzzle prenant appui sur le bagage de chaque habitant. Bruxelles devient une mère protectrice nourrie par diverses influences culturelles que la cinéaste visite grâce à un montage fluide et poétique.

Mara Kupka

 

Titre: Our City

Réalisation: Maria Tarantino

Genre: Documentaire