Du Maroc au Gabon : le FIFF aux couleurs de l’Afrique

Du Maroc au Gabon : le FIFF aux couleurs de l’Afrique

Ce mercredi 7 octobre 2015, au FIFF, la salle 5 du cinéma Eldorado était empreinte d’une atmosphère résolument africaine pour la dernière séance de la journée.

De fait, la réalisatrice gabonaise Samantha Biffot y présentait son premier long métrage documentaire, intitulé L’Africain qui voulait voler, en compagnie des trois co-producteurs du film pour ce qui représentait une avant-première mondiale. Cette projection principale s’est vue précédée d’un court métrage d’une trentaine de minutes : Les Poissons du désert réalisé par le Marocain Alaa Eddine Aljem.

– Combien de poissons vas-tu pêcher aujourd’hui ?

– Plus qu’hier.

Les Poissons du désert est le premier court métrage que réalise Alaa Eddine Aljem en dehors des institutions qu’il a fréquentées, à savoir l’ESAV (Marrakech) et l’INSAS (Bruxelles). Le film relate l’histoire d’une famille résidant au beau milieu du désert et vivant ses journées selon un rituel implacable : le père exerce son métier de fossoyeur tandis que la mère, grabataire, reste à la maison ; le fils, lui, part chaque jour pêcher des poissons imaginaires au milieu du désert. Le père réprouve fortement cette activité, estimant que son fils ferait mieux de veiller sa mère malade. La mort de celle-ci brisera non seulement le rituel familial mais amènera également le père à se remettre en question, le guidant sur la voie de la compréhension de son fils et de sa lubie a priori absurde.

Difficile de ne pas penser au Gerry de Gus Van Sant en découvrant Les Poissons du désert. On retrouve dans le film d’Aljem le même type d’environnement désertique, une ambiance identique propice à la contemplation (à ce sujet, les plans sont presque exclusivement fixes, sans aucune musique extra-diégétique) et une symbolique omniprésente qui laisse libre cours à différentes interprétations.

Si Les Poissons du désert n’est clairement pas un court métrage à soumettre à tous types de spectateurs, il n’en constitue pas moins une expérience intéressante et touchante, une fenêtre vers un rêve de mieux qui parlera à tous ceux qui, un jour, ont souhaité sortir de leur quotidien et échapper à leur destinée pour aller pêcher leurs propres poissons au milieu du désert de leur vie.

Luc Bendza : le Chinois noir

La suite de la séance était consacrée au film de Samantha Biffot, L’Africain qui voulait voler. La réalisatrice gabonaise a fait ses premiers pas dans la réalisation en 2012 avec une série télévisée intitulée L’œil de la cité et constituée d’épisodes de six minutes (Prix de la Meilleure série africaine au FESPACO 2013). En 2014, elle a également réalisé Retour aux sources, un court métrage de fiction.

L’Africain qui voulait voler présente l’histoire de Luc Bendza, un Gabonais fan de kung fu et de films d’arts martiaux depuis son plus jeune âge. À 10 ans, le petit Luc n’a qu’un objectif: apprendre à «voler» dans les airs, comme ses héros de fiction. Parvenu à rejoindre la Chine à 14 ans et à intégrer le célèbre temple Shaolin, Luc Bendza se perfectionne dans la pratique du wushu (un sport dérivé des arts martiaux traditionnels chinois) jusqu’à devenir un athlète de haut niveau. Âgé aujourd’hui de 46 ans et désormais plus Chinois que Gabonais, c’est en tant qu’entraîneur d’enfants qu’il revient sur ses jeunes années et les éléments qui l’ont conduit à quitter son pays d’origine.

L’Africain qui voulait voler, c’est l’histoire inouïe d’un homme accroché toute sa vie à un rêve. C’est le récit d’une volonté sans faille, celle d’un jeune adolescent qui poursuit inlassablement une chimère avant de finalement l’attraper, défiant ainsi tous les préjugés. Luc Bendza a accepté de partager ses propres images d’archives avec Samantha Biffot (enfant, il s’amusait à réaliser des films d’arts martiaux amateurs avec ses amis), ce qui contribue à donner de l’authenticité au récit. Le documentaire alterne ainsi entre images du passé (outre les films de Bendza, des extraits de compétition officielle permettent de juger des compétences impressionnantes du Gabonais), interviews et panoramas des paysages chinois et africains. L’Africain qui voulait voler nous dépeint à la fois l’enfance de Luc Bendza, son parcours en tant qu’athlète de haut niveau, ainsi que ses difficultés d’intégration au sein de la Chine des années 1980 (où la présence d’un homme de couleur constituait une véritable attraction).

Comme l’a indiqué la réalisatrice à l’issue de la séance, un soin particulier a été apporté aux images lors de l’étalonnage. Ainsi, les plans tournés au Gabon sont de couleurs plus vives, moins réalistes que ceux tournés en Chine. Le Gabon apparaît dès lors comme un lieu onirique : le monde de l’enfance, celui qui a permis à Luc Bendza de trouver sa voie et de commencer à vivre son rêve avant d’être confronté à la réalité du terrain une fois arrivé en Chine. Un énorme travail a également été réalisé au niveau du montage et c’est à peine si l’on décèle un léger manque de rythme dans le premier quart du film. Autre petit reproche (subjectif) : les musiques originales apparaissent comme trop caricaturales (surtout les musiques orientales par-dessus les images de la Chine).

Durant toute la séance, l’audience s’est montrée très réactive aux émotions véhiculées par le film. De nombreux éclats de rire ont ainsi résonné dans la salle (le film se voulant résolument comique) mais on n’entendait plus un bruit lors des moments plus sensibles ou émotionnels. Le public ne s’y est pas trompé en applaudissant vivement L’Africain qui voulait voler à l’issue de la projection : c’est avec brio que Samantha Biffot signe son premier long métrage documentaire, rempli de promesses pour l’avenir.

Laurent Louis-De Wandeleer

 

Titre: L’Africain qui voulait voler

Réalisation : Samantha Biffot

Genre : Long métrage documentaire