Roma (analyse)

Roma

« Tous les chemins mènent à Fellini »

En 1972, Fellini sort son film Roma qui dépeint l’évolution de la ville de Rome à travers les années et les yeux du réalisateur. Celui-ci nous montre comment il se souvient de la capitale italienne et aussi ce qu’elle est devenue. Diverses ellipses sont utilisées afin de nous faire voyager dans le temps entre les souvenirs de Fellini et le présent de l’action.

C’est avec beaucoup de justesse dans les tons que le réalisateur détaille l’évolution de la société romaine à travers les âges. Depuis les souvenirs de Fellini, l’histoire voyage de l’enfance et d’une Rome embellie jusqu’à la ville cosmopolite remplie d’hippies, de bruit de voiture, de machine que nous connaissons aujourd’hui. Le réalisateur italien représente l’ancienne cité avec beaucoup de nostalgie. Notamment par de verdoyants paysages ainsi que de célèbres monuments qui sont successivement montrés dès les premières minutes du film. A l’opposé, l’époque contemporaine est beaucoup plus sombre etobscure. La lumière utilisée représente en effet la nuit, tout comme les personnages sont grotesques et parfois grimés comme pour signifier la fausseté du monde. Le langage est vulgaire et cru. En surface, le film laisse présager un cinéaste nostalgique d’une époque révolue de son enfance. Alors qu’en profondeur, le film recèle de nombreux indices semblant indiquer que le monde contemporain ne le laisse pas indifférent et possède aussi son lot de bonheur, de bonnes choses et d’une certaine beauté, différente de celle de sa jeunesse mais tout aussi importante.

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Dans Roma, nous sommes régulièrement amenés à voyager dans le passé et les souvenirs du réalisateur puis à retourner dans le présent du film (1972). Les premières minutes visitent les rues de Rome et ses monuments bien connus du public. Quelques instants après, le spectateur participe à la leçon du professeur sur Jules César et la traversée du Rubicon, la scène suivante montre une pièce de théâtre sur l’antiquité. Ces trois séquences font parties des souvenirs du réalisateur. Ces scènes sont emplies de nostalgie. Les tons sont pastels, on y fait l’apologie de l’antiquité à travers les histoires de César, l’herbe ainsi que les arbres sont verdoyants. Le son y est pur et clair contrairement à ce qui nous est proposé un peu plus tard. Même le langage est bien plus soigné. Nous ressentons à quel point Fellini garde un bon souvenir de son enfance. Cette opposition forte entre le passé et le présent démontre l’amertume du réalisateur face à son époque.

Plus loin dans le film, un jeune homme en blanc est présenté au spectateur. Celui-ci arrive à la gare de Termini et ressort du flot des voyageurs par son costume blanc et pimpant. Il avance et se fait accoster par un vendeur à la sauvette qui tente de lui vendre maintes et maintes broutilles. Le jeune ne cède pas à la tentation ce qui corrobore avec son costume blanc d’une pureté inégalable. Il arrive chez la dame qui doit l’héberger. Avec cette scène commence une dizaine de minutes de désordre. Tout va dans tous les sens. La caméra passe d’une pièce à l’autre, d’un cris d’enfant aux appels de la “Mama” malade sur le lit. La visite est cadencée par ces mouvements d’appareil incessants. Le son nous fait également voyager puisque nos yeux sont attirés par le bruit de la casserole du locataire asiatique cuisinant son plat de nouilles ou encore vers les cris de la petite fille surexcitée à l’idée de voir un nouveau visiteur dans la maison. Ces bruits constants sont à l’image de la ville de Rome contemporaine dépeinte tout au long du film : bruyantes, vulgaires, sales mais qui, malgré ses côtés négatifs, vit à plein poumons.

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Fellini dépeint le passé et le présent tout au long du film. A partir d’un moment, le réalisateur ne fait plus la différence entre ces deux périodes de l’histoire et fait cohabiter les deux espaces-temps. C’est exactement ce qui arrive lors de la création du métropolitain de Rome. Le cinéaste réutilise les même procédés qu’au début du film, ou autrement dit, il réutilise le son pour présenter une époque contemporaine bruyante, vulgaire alors que tout ce qui à trait au passé ou à l’antiquité est beaucoup plus clair et pur. La fraise qui creuse le tunnel sature l’audition. Une fois arrivée aux peintures murales de l’antiquité, tous les bruits s’arrêtent et la lumière remplace le son. Auparavant, la pénombre et l’obscurité étaient omniprésentes et une fois la découverte atteinte, l’éclairage vient mettre en exergue les fresques antiques. Dans cette scène, le passé et le présent tentent de cohabiter une première fois ensemble.

La dernière séquence du film avec les motards vient corroborer cette idée de coexistence passé-présent. Les motos fort bruyantes par leurs moteurs roulent à toute vitesse dans Rome et par des travellings la caméra traverse la ville de Rome silencieuse et nous montre tous les monuments connus : le colisée, le parthénon ou encore le vatican. Ces deux aspects de Rome cohabitent ensemble, l’ancien se mêle au nouveau. Cela conclut en quelque sorte la pensée de Fellini, qui au départ semblait plutôt négative concernant l’époque contemporaine mais qui ne l’est pas tant que ça. Deux personnages l’expriment très clairement par le dialogue. Le premier le dit ainsi : “Les gens boivent et mangent comme il y a 1000 ans”. Au final, rien n’a réellement changé. Les mentalités évoluent mais les hommes restent les même. Monsieur Vidal, l’écrivain américain du film l’explique également :”J’aime les romains parce que ce sont les gens qui se fichent qu’ils soient vivants ou morts. Ils sont neutres comme les chats. Rome c’est la ville des illusions. Tout n’est qu’illusion. Comme toi mon vieux, comme toi d’ailleurs. Et j’ai dans l’idée que nous allons vers la fin. Le monde est surpeuplé. Il y a trop de voitures, de cloisons. Je vois mal quel meilleur endroit je choisirai comme meilleur point d’obturation de cette ville si souvent renaissante. Je peux y attendre la fin prochaine d’une trop grande surpopulation. C’est à Rome même que je verrai si cela à lieu ou non.” Rome est la ville du renouveau sans fin, une ville vivante qui évolue avec son temps. Faire coexister le bon et le moins bon, l’ancien avec le nouveau.

Fellini avec son film Roma dépeint la ville de Rome sous tous ses aspects. Il nous montre une cité cosmopolite, vivante et remplie d’histoire. Le départ est plutôt scindé en deux avec deux visions de Rome : d’un côté la belle antiquité, de l’autre l’époque contemporaine puante et kitsch. Mais au final, Fellini explique à travers ses différents voyages dans la capitale que tout se mêle et donne de la force à cette métropole italienne.

Charlotte Penasse