Suspiria : Le contrat avec les sorcières à travers la danse

In Session. Laufende Sitzung.

(En session. Séance en cours.)

Luca Guadagnino, connu surtout pour avoir réalisé Call me by your Name, s’attaque à un tout autre genre cinématographique en s’inspirant délibérément de Dario Argento, le maître de l’angoisse. Malgré le nom similaire, Suspiria de Guadagnino ne doit pas être considéré comme un remake (nouvelle version d’un film antérieur) du film d’Argento, mais bien comme un reboot (nouvelle version d’un film dans le but de proposer quelque chose de nouveau), laissant une totale liberté dans l’approche artistique.

Suspiria

 

Il était une fois, dans une école de danse à Berlin…

Susie Bannion (Dakota Johnson), jeune danseuse venant de l’Ohio, débarque à Berlin dans l’espoir d’intégrer la célèbre compagnie de danse d’Helena Markos. Lors de son audition, elle arrive à convoquer Madame Blanc (Tilda Swinton), chorégraphe et danseuse renommée, qui, impressionnée, prend Susie sous son aile. Tandis que les répétitions du ballet final intitulé Volk (peuple en allemand) deviennent de plus en plus importantes et exigeantes, Susie fait de terrifiantes découvertes sur la compagnie et de celles qui la dirige…

 

Berlin, 6 actes, 1 épilogue, 1977

Beaucoup de critiques ont pointé du doigt la longueur du film qui dure 2h30, une heure de plus que l’original. Au cinéma, il n’y avait pas d’entracte. Cependant, il n’y a pas de scènes trop longues, ni de sentiment d’ennui, mais certaines parties auraient pu être enlevées aisément.

La séparation en six actes (comme dans les métrages de Quentin Tarantino) est inutile, car le film reste assez linéaire et chronologique. Le public ne risque pas de se perdre, encore moins avec des actes qui le situe dans la temporalité du film.

Concernant l’épilogue, il ne sert pas à grand-chose. Ce n’est même pas une scène de clôture. La scène post-générique (que personne ne voit, car il faut rester jusqu’à la fin des crédits) reste une énigme quant à l’intérêt de son existence.

Apparemment, Luca Guadagnino prévoyait de faire une trilogie, comme Dario Argento avec la Trilogie des Enfers (reprenant Suspiria, Inferno et La Troisième Mère). Au vu cependant des réactions du public, cela n’est pas certain ; car ce film divise. Cependant, il n’est pas mauvais pour autant : jusqu’au quatrième acte, c’est tout à fait plaisant, mais au-delà, le spectateur commence à se demander s’il aime ou s’il n’aime pas…

 

Tilda Swinton, le caméléon

Ce n’est plus une nouvelle, Tilda Swinton, en plus d’être une actrice talentueuse, se morfond à merveille dans trois rôles : celui de madame Blanc, celui du docteur Jozef Klemperer et celui de Mère Markos. Dans chacun de ces rôles, l’actrice s’y retrouve totalement au point de berner le spectateur qui n’y voit que du feu ! Donc, le seul rôle masculin dans un casting presque entièrement féminin est confié à… une femme ! Choix intéressant, étant que Luca Guadagnino a toujours conçu Suspiria comme étant un film à propos de l’identité féminine.

Dakota Johnson, quant à elle, est bien. Il y a beaucoup d’implication de sa part surtout pour les parties de danse, mais elle reste encore assez distante et n’implique nullement le spectateur, car elle ne porte pas assez le film sur ses épaules en tant que protagoniste principale.

 

Les points forts et les points faibles de Suspiria

L’esthétique est très agréable. Le film se prend très au sérieux, les scènes de rêves sont très prenantes, la séquence présentant un parallélisme entre Susie et Olga est magnifique, les scènes de danse sont travaillées (sachant qu’il n’y en avait presque aucune dans Suspiria d’Argento) et la chorégraphie de Volk est envoûtante (une des plus belles parties d’ailleurs).

Il est aussi remarquable que Luca Guadagnino ait insisté sur le fait que l’histoire se déroule en Allemagne non pas seulement de manière annoncée et au niveau des paysages, mais en utilisant aussi la langue allemande dans les dialogues, les journaux et les magazines.

Cependant (et c’est là que les avis divergent), la musique n’est pas en accord avec les plans. C’est à en regretter la musique des Goblin, à la fois expérimentale et provoquant un certain malaise.

La fin laisse beaucoup de monde assez perplexe. Le spectateur est mitigé, ne sachant que faire. Les réactions les plus communes se partagent entre le rire, le dégoût, la peur ou bien l’incompréhension totale.

 

„Ja, das Ende ist schlecht, aber was zählt ist die Reise, nicht das Ziel“ (Jean-Baptiste Herment, Mad Movies #322)

(Oui, la fin est mauvaise, mais ce qui importe est le voyage et non le but)

 

Les fans du Suspiria des années 70 ne retrouveront pas l’atmosphère qu’ils ont pu ressentir, les fans de Call me by your Name verront un tout autre style de la part du réalisateur, mais pour tous ceux n’ayant pas d’attente particulière, ce film peut avoir sa chance. Cela dépend vraiment de l’appréciation de chacun.

LAURE DEGOSSELY

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