Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve | Les androïdes rêvent-ils d’un bidon d’essence et d’une allumette ?

C’est un euphémisme de dire que Blade Runner 2049 était attendu au tournant. Denis Villeneuve amorce cependant son virage avec une aisance déconcertante et nous livre au final un véritable petit bijou cinématographique. On vous explique pourquoi !

Suite du cultissime Blade Runner, Blade Runner 2049 se déroule en… 2049, trente ans après les événements du premier film. Au milieu d’une société de plus en plus fragilisée par les tensions exacerbées entre êtres humains et androïdes, l’officier K – interprété par un Ryan Gosling magistral – est un Blade Runner : il fait partie d’une force d’intervention d’élite chargée de trouver et d’éliminer les réplicants les plus indésirables. Mais lorsqu’il découvre un secret enfoui depuis longtemps et capable de changer le monde, il se retrouve traqué à son tour. Son seul espoir est de retrouver Rick Deckard, un ancien Blade Runner qui a disparu depuis des décennies…

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Une promotion hors norme entoura la sortie de Blade Runner 2049 : pas moins de trois courts-métrages (Black Out 2022, 2036 : Nexus Down et 2048 : Nowhere to Run) divulgués sur internet permettent de faire le lien entre le premier et le second opus, et introduisent certains événements et personnages importants de 2049. La contextualisation vaut le coup d’œil, et est disponible en intégralité juste ici !

Denis Villeneuve tenait absolument à ce que les médias ne dévoilent pas l’élément sur lequel repose l’essence de son intrigue. La découverte, plaisir du cinéphile hautement défendu par le réalisateur canadien, prend tout son sens dans Blade Runner 2049. Délicat dès lors d’aborder de front la teneur du scénario. Néanmoins, pas d’inquiétude à avoir : l’enquête de K est très prenante, et certains retournements de situation sont assez incroyables, ce qui accentuera la satisfaction de certains et provoquera peut-être une petite déception chez d’autres.

Si le scénario (une nouvelle fois écrit par Hampton Fancher, accompagné cette fois-ci de Michael Green) est mûrement réfléchi et aborde des thèmes existentiels dans la lignée de ceux soulevés par Philip K. Dick et Ridley Scott (toujours autour de la fondamentale question de la nature humaine), la principale force du film réside indiscutablement dans sa somptueuse dimension visuelle. C’est simple : Blade Runner 2049 est une véritable claque esthétique. Chaque séquence, chaque plan, chaque détail le plus infime semblent avoir été réfléchis, pesés, discutés et retouchés pendant des dizaines d’heures, et atteignent systématiquement leur cible (l’âme du spectateur – à supposer qu’il ne soit pas un réplicant). Inspiré par des photographies de la tempête de poussière australienne de 2009, le Las Vegas orangé du futur est sublimé et méconnaissable. Les néons publicitaires et autres marques sont de retour un peu partout, encore plus nombreux que dans le premier opus, et évoquent un futur presque palpable. Les plans de la ville sont superbes, et en parfaite osmose avec les gros plans des personnages, toujours très à propos. Bref, l’ambiance instaurée par le directeur photo Roger Deakins est tout bonnement fantastique.

Mais Villeneuve et Deakins ne sont pas les seuls à avoir fait du bon boulot : dès les premières secondes du film, la musique ramène le spectateur 35 ans en arrière dans un tourbillon de frissons. Hans Zimmer, Jóhann Jóhannsson et Benjamin Wallfisch offrent une BO parfaitement imprégnée de l’essence du premier opus et de sa bande-son sublime signée Vangelis. Le résultat est bluffant et, encore une fois, dans la lignée de son prédécesseur.

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Le casting et ses noms alléchants ravira quant à lui les fans d’acteurs qui n’ont plus rien à prouver, et qui paradoxalement le prouvent une fois de plus. Coup de cœur pour Ana de Armas, que je ne connaissais pas, et qui apporte au film une touche sensuelle superbe (et une scène déjà mythique).

On regrettera cependant un manichéisme peut-être un peu trop marqué (la construction des bad guys est beaucoup moins réussie que la complexité des pensées de K), un Jared Leto un peu effacé bien malgré lui puisque le potentiel de son personnage n’est pas vraiment exploité (quel dommage !), et un Harrison Ford moins percutant que dans le premier opus (pas sûr ceci dit que Ryan Gosling soit d’accord avec cette dernière affirmation…).

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Arrêt sur image : Harrison gratifiant Ryan d’un vrai coup de poing…

Autre petit bémol : le scénario contient certains mystères un peu obscurs qui ne permettent pas vraiment de répondre à des questions pourtant soulevées dès la fin du premier opus, entretenant de ce fait (et sans doute intentionnellement) le doute. La lenteur de certaines séquences pourra aussi être pointée du doigt par les plus impatients, même si je pense au contraire qu’elles font partie intégrante de l’ambiance du film, qui prend son temps pour construire sa narration, avec perfectionnisme, loin de certains blockbusters hollywoodiens où la moindre minute dénuée d’action semble superflue.

On reprochera aussi à Denis Villeneuve une fin délibérément ouverte, qui nous laisse quelque peu sur notre faim (malgré deux heures et 45 minutes de film !), faisant presque de Blade Runner 2049 un film de transition au milieu d’un univers bien plus vaste, et d’une œuvre magistrale qui s’étendrait sur des décennies. Mais après tout, l’envie d’en vouloir encore plus n’est-elle pas pour un réalisateur la meilleure des critiques à recevoir ?

Denis Villeneuve signe avec Blade Runner 2049 une suite qui s’inscrit dans la parfaite continuité de son prédécesseur, évite avec brio la simple copie et laisse le champ libre à un troisième opus qui s’annonce d’ores et déjà très attendu. Visuel somptueux, casting fabuleux, scénario onctueux… Aucun doute que Blade Runner 2049 repose déjà au panthéon des meilleurs films de science-fiction, aux côtés de son aîné.

 

Julien Brasseur

 

Blade Runner 2049 – Actuellement au cinéma

Réalisation : Denis Villeneuve
Scénario : Hampton Fancher, Michael Green et Ridley Scott
Avec : Ryan Gosling, Harrison Ford, Jared Leto, Robin Wright, Ana de Armas…
Genre : Action / Science-fiction
Date de sortie : 4 octobre 2017