Power Rangers de Dean Israelite

Plaisir coupable pour enfants trentenaires

Les présentations sont elles nécessaires?  Débarqués sur les écrans de télévision en 1993, les Power Rangers n’ont jamais faibli depuis la fameuse époque du Club Dorothé. Que ce soit sous la forme de produits dérivés (qui n’a jamais eu une de ces figurines à la tête pivotante?) ou de spin-off diffusés à la chaîne (Power-Rangers dans l’espace en 1998, Power-Rangers : Force animale en 2002, Power-Rangers : Samourai en 2011,…), la franchise des superhéros aux leggings colorés a réussi à s’imposer comme une valeur sûre dans les cours de récréation de ces trois dernières décennies. Au total, plus de 800 épisodes répartis sur 18 versions différentes ont vu le jour.

Il n’en fallait pas moins pour susciter l’intérêt d’Hollywood, ce gros monstre dopé aux adaptations et aux franchises de superhéros. Attendu depuis 2015, Power Rangers se positionne comme un reboot de la toute première génération des guerriers multicolors (Mighty Morphin) et (re)transporte le spectateur dans la petite ville imaginaire d’Angel Grove. Cinq lycéens, aux personnalités différentes, se voient confier une mission par Zordon (Bryan Cranston alias Heisenberg dans Breaking Bad) : devenir les Power Rangers et lutter contre les desseins de la diabolique Rita Repulsa (Elizabeth Banks, la Effie de la saga Hunger Games). Pas de temps à perdre pour les jeunes héros : afin de sauver la planète, il va falloir mettre ses problèmes personnels de côté et apprendre à fonctionner comme une vraie équipe…Mais à quel prix?  

Autant annoncer la couleur (sans mauvais jeu de mots) :  Non, Power Rangers ne sera pas l’un des films marquants de cette année. Oui, le scénario reste prévisible (sauf lorsqu’il est incohérent), les personnages sont stéréotypés, la réalisation tire des ficelles déjà usées et cette oeuvre commerciale n’a pas grand chose à envier aux productions de Michael Bay côté explosions. Maintenant que toutes les portes ouvertes ont été enfoncées, l’heure est venue de se pencher sur les véritables qualités de ce reboot !

Un combat loin d’être gagné d’avance

Adaptation de la série japonaise Super Sentai (1975),  Power Rangers : Mighty Morphin rencontre, sur le papier, de nombreuses similitudes avec d’autres oeuvres cultes du petit écran de la même décennie : Comme dans Buffy The Vampire Slayer (1997), les protagonistes sont des adolescents obligés de mener une double vie et de sauver le monde. Telle la bande de Friends (1994), les Power Rangers forment  un groupe d’amis que tout oppose mais que rien ne sépare. Comme Mulder et Scully dans X-files (1993), ces superhéros  doivent affronter, au cours de chaque épisode, un monstre surnaturel revêtant les traits d’un sujet de société (le démon de la pollution, le monstre de la malbouffe, etc ).  

Malgré ces aspects intéressants, les Rangers ont très vite dû s’incliner face aux critiques. En effet, les effets spéciaux ridicules (même pour l’époque), les dialogues creux et les costumes ringards ont suffit à les reléguer au rang de superhéros d’opérette dans l’inconscient collectif. Il ne fallait donc pas s’étonner de la vague de rires jaunes provoquée par l’annonce de la mise en chantier d’une version cinématographique.

L’idée n’était pourtant pas si stupide : derrière chaque Tweet moqueur se cache un enfant dont le coeur a un jour battu au rythme du Mégazord, et, de fait, profondément curieux de voir le résultat final. Mais l’univers kitsch de cette série destinée au moins de 10 ans est-il conçu pour se “téléporter” aussi facilement dans la peau de blockbusters tout public? Là est la question !

Un reboot aux allures de teen shows

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En terme d’adaptation, Power Rangers est une réussite. Tous les éléments de la série répondent présents jusqu’aux prénoms des personnages d’origine (c’est le retour des Jason et des Kimberly). De plus, un gros travail de dépoussiérage des codes qui ont fait le succès de la franchise a été effectué  : au revoir adolescents BCBG campés par des acteurs quarantenaires bodybuildés, bonjour jeunes parias du bahut devant affronter les affres de la vie prépubère. Adieux méchants ridicules en carton-pâte, bienvenue antagoniste dangereuse au passé moins manichéen qu’il n’y paraît. Fini l’époque où les Rangers maitrisaient d’entrée de jeu leurs pouvoirs et étaient assurés de gagner sans recevoir de coups, place aux séances d’entraînement laborieuses et aux combats à l’issue pas toujours favorable.

Cette modernisation s’étend aussi aux sujets abordés par le film. Sans doute désireux de toucher un public plus âgé que les 5-10 ans, le scénario va là où peu de superhéros n’ont encore osé s’aventurer à ce jour : le Teen Drama. Entre The Breakfast Club (1985) de John Hughes et Spiderman (2002) de Sam Raimi, Power Rangers enchaine les références aux classiques du genre. De la brute de la cafétéria aux cheerleaders superficielles en passant par les retenues du samedi après-midi, les problèmes de communication avec les parents ou encore, les amourettes d’adolescents, le package complet est livré.

Pourtant, parmi tous ces clichés, deux thématiques partiellement abordées sortent du lot: le cyber harcèlement et l’homosexualité du ranger jaune (devenant ainsi la première super héroïne gay du grand écran). Dean Israelite ose le premier degré et se démarque des (trop) nombreuses adaptations de séries vintages préférant se reposer sur la dérision permanente (21 Jump Street, Baywatch,…). Mais que les fans des gags foireux qui contribuaient au charme de la série originale se rassurent : la version grand écran ne fait pas que broyer du noir et propose également son lot de moments légers et d’auto-références (pas toujours très subtiles).

La simplicité du scénario est également un plus ! N’en déplaise à la Suicide Squad ou aux X-Men, mais en ces temps troubles où la recherche d’originalité à tout prix est de mise, un retour aux bases peut parfois être synonyme de fraîcheur. Programmé comme le début d’une longue saga, ce premier volet se penche sur la découverte et la phase apprivoisement des rangers de leurs pouvoirs. Le film prend le temps de présenter chacun des personnages et de poser sa mythologie sans twist abracadabrant. Et malgré la lenteur qui s’en dégage : Bon sang, qu’est ce que cela fait du bien !

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Un dépoussiérage qui a ses limites

Cependant, Power Rangers souffre du kitch non négociable de certains aspects de sa mythologie d’origine. Même sans lycra, un costume bleu reste un costume bleu et le manque de “badassitude”  qui en ressort n’est pas très fluide avec l’aspect sombre auquel prétend le reste du film. Les mêmes réserves peut-être faites au sujet du personnage D’Alpha “Jar Jar Binks” 5, de certains effets spéciaux financés par un budget moins élevé qu’une production Marvel ou encore du combat entre les deux robots géants à la fin (Non, ce n’est pas un spoil, juste du bon sens).

La question demeure donc : l’univers des Powers Rangers peut-il devenir une franchise cinématographique de superhéros qui tient la route? Malgré les efforts entrepris et les qualités indéniables de ce premier volet, le doute persiste et seule la suite devrait nous apporter une réponse définitive.

En attendant, bonne nouvelle pour  les grands enfants, jadis accros à la version télévisée et presque tous trentenaires aujourd’hui : il s’agit bien du plaisir coupable espéré qui leur fera voir la vie en rose. Payer son neveu de 10 ans pour les accompagner dans un cinéma bondé sera donc un sacrifice bien minime pour ces fans de première heure souhaitant passer un ultime moment en compagnie de leurs vieux potes : Force Jaune, Force Bleue et Force Rouge…

Robin Fourneau

Titre : Power Rangers

Réalisation : Dean Israelite

Interprétation : Dacre Montgomery (Jason/Force Rouge), Naomi Scott (Kimberly/Force Rose), RJ Cyler (Billy/Force Bleue), Becky G (Trini/ Force Jaune), Ludi Lin (Zack/ Force Noire), Bryan Cranston (Zordon), Elizabeth Banks (Rita Repulsa), Bill Hader (Alpha 5).

Genre : Action

Date de sortie : 5 Avril 2017

Trailer:  https://www.youtube.com/watch?v=5kIe6UZHSXw