Gangsterdam (Romain Levy) – Critique

Avec son film Radiostars, Romain Levy nous avait fait entrer dans son univers de comédies hilarantes proches du génie. De retour avec son nouveau film, nous étions curieux de découvrir ce que nous avait concocté le cinéaste français. Gangsterdam, à la fois comédie policière et gangster à l’américaine se révèle décevante malgré quelques highlights sauvant de justesse le film de la catégorisation de « nanar ».

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Gangsterdam

Ganstserdam relate l’histoire de Ruben, Nora et Durex, trois étudiants en Master 2 de droit. Ruben, peu sûr de lui et rencontrant des difficultés à s’exprimer, n’arrive pas à réussir ses examens oraux. Il tombe amoureux de Nora, à qui il dispense des cours de soutien, sans pour autant parvenir à lui avouer ses sentiments. Il ne se sépare jamais de son ami d’enfance Durex, un jeune homme roux au physique peu avantageux et de surcroît gaffeur. Ruben découvre que Nora mène une double vie. La jeune femme deale.  Elle décide de partir pour Amsterdam en vue d’une mission spéciale pour rapatrier un tout nouveau type de drogue. Contre la volonté de la jeune femme, Ruben décide de l’accompagner, ce voyage étant l’occasion rêvée de séduire Nora. Durex entreprend de faire lui aussi partie de l’aventure. Alors qu’ils profitent des bienfaits de la capitale hollandaise, leur mission se complique lorsqu’ils prennent conscience que la drogue récupérée appartient au gang du plus grand criminel d’Amsterdam. Empoignant leur courage à deux mains pour faire face aux embuscades, ils endosseront finalement le statut de héros avant de retourner à leur vie estudiantine.

 

Un film Gangster à la française

Le titre révèle deux éléments centraux. Tout d’abord Amsterdam, le lieu où se déroule la majeure partie de l’action. Ensuite, l’hommage au cinéma américain des années « Gangster » tel qu’illustré dans  « Le parrain » ou autres films du genre. Bien que je respecte l’audace de Lévy de s’aventurer dans ce genre cinématographique revisité maintes fois, force est d’avouer qu’il se heurte à un mur. L’intrigue est faible et l’action téléphonée. Nous n’avons aucun doute sur le fait que Nora et Ruben fileront le parfait amour. Il est couru d’avance que les protagonistes récupèreront la drogue dans le temps imparti et délivreront le petit frère de Ruben. Le réalisateur ne laisse aucune place à la surprise. Il favorise une histoire qui, sans suspense, finit bien et où tout est prévu à l’avance. Vu et revu…

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Un Côme Levin prestigieux 

Côme Levin, dans le rôle de Durex apparaît à l’écran quelques minutes à peine après le début du film. Nous découvrons d’emblée un personnage au physique peu avantageux, aux rudes propos, qui font de lui d’abord un personnage malsain. Plus le film progresse, plus le rouquin atypique devient attachant et s’impose avec sa personnalité comme la figure centrale du récit. Ses répliques bien placées, sa répartie, et ses bêtises  incontrôlées à répétition, font de lui le personnage iconique du film. Ses quelques blagues à l’humour très potache et « pipi-caca » n’assombrissent pas sa majestueuse performance comique.  Côme Levin se révèle dans ce rôle hilarant, nous faisant oublier les nombreux clichés de l’histoire réalisée par Romain Levy.

 

Un film misogyne ?

La représentation que fait Levy de la femme m’est apparue comme particulièrement choquante. Ruben et son frère vivent seuls avec leur papa. Leur maman a quitté le foyer familier depuis de nombreuses années laissant son mari et ses enfants livrés à eux-mêmes. Pourquoi ce choix ?

Ensuite, Nora, le personnage joué par Manon Azem est fortement masculinisé. La jeune femme s’exprime dans un langage peu raffiné tout droit sorti des banlieues mal famées. De plus, l’actrice incarne le rôle d’une dealeuse, activité majoritairement pratiquée par des hommes et rarement associée à la gente féminine. C’est sans compter sur son style vestimentaire boyfriendly. Lévy laisse une impression de « refus de féminité » pour sa protagoniste.  D’autre part, Mona Walravens incarne le rôle de June, une jeune fille de l’Est attirante, engagée dans un club de strip-tease. Impossible de passer à côté de cet évident cliché de la fille blonde venue de l’Est pour travailler dans une boite de streap-tease. Elle fait également l’objet de nombreuses violences physiques et verbales renforçant l’idée de la femme objet. Le choix fait par Lévy de cette représentation féminine volontaire ou non, exacerbe l’inégalité des sexes présente dans ce film.

 

Kev Adams fait du … Kev Adams

Rappelons que c’est à l’âge de 18 ans que le jeune acteur s’est fait connaître du grand public. A cette époque, il incarnait dans l’émission comique hebdomadaire de Laurent Ruquier un adolescent relatant son quotidien. Depuis lors, le garçon n’a cessé d’enchaîner des rôles principaux dans des teenmovies. Ruben, le personnage incarné par Kev Adams, est supposément l’un des personnages les plus matures jamais joué par l’acteur. On s’attend dès lors à ce qu’il livre une interprétation différente, du moins plus mature que ce qu’il a déjà pu montrer. Bien essayé ! Kev Adams fait du Kev’ et se noie une fois de plus dans son créneau. Il illustre l’image d’un adolescent en pleine crise existentielle qui  lâche de petites blagues pourries de temps à autres et dont la prestation est surjouée. Heureusement pour nous spectateurs, le personnage de Durex occulte celui de Ruben. J’irais même jusqu’à dire que Kev Adams est transparent et se laisse écraser par la majestuosité et le comique charismatique de Côme Levin.

Mathilda Eischen

  • Actuellement au cinéma
  • Titre original : Gangsterdam
  • Réalisation : Romain Levy
  • Scénario : Remy Four, Romain Lévy, Mathieu Oullion et Julien War