La Danse – West Side Story (1961) : L’éclat de la danse | Dossier thématique

WEST SIDE STORY (1961) 

L’éclat de la danse

« La danse possède un pouvoir de délivrance physique, on y trouve la force de vivre, d’expulser ses démons, de croire à son destin ».[1]

Cette pensée illustre l’état d’esprit de West Side Story qui est un long-métrage américain réalisé par Jérôme Robbins et Robert Wise. Cette comédie musicale[2] hollywoodienne à gros budget a conquis le cœur d’un vaste public et a remporté dix Oscars dont celui du meilleur film. Il a été produit par la MGM.[3] La première de West Side Story a eu lieu le 18 octobre 1961 au Rivoli Theatre de New York. Selon Rick Altman, cette comédie musicale est une « comédie folklore. » Il s’agit d’une adaptation de la pièce de William Shakespeare intitulée Roméo et Juliette. L’histoire du couple maudit est transposée au XXème siècle dans un contexte politique et social différent. L’intrigue amoureuse et conflictuelle se déroule dans le quartier de West Side à Manhattan durant les années cinquante. Tony et Maria sont deux jeunes adultes qui tombent amoureux mais leur amour est mis en péril par deux clans qui s’affontrent et auxquels ils appartiennent. En effet, le gang des Jets et le gang des Sharks se déchirent mutuellement. Ainsi, le conflit entre les deux familles rivales des Capulets et des Montaigus se transforme en un conflit interracial qui oppose les Jets, des Américains d’origine polonaise, dirigés par Riff et les Sharks, d’origine portoricaine commandés par Bernardo. Le film comporte ponctuellement des scènes chantées et dansées qui visent à exprimer l’identité de chaque groupe, leurs instincts ou leurs sentiments. Dans quelle mesure la danse sert-elle à exprimer les aspirations et les émotions de des personnages ? Nous verrons que la danse est un langage qui traduit l’état d’esprit de chacun en analysant des scènes marquantes.

Dès les premières minutes, la danse est présente. Un groupe de jeunes américains se tient près d’un grillage et claquent des doigts, accompagné par une musique de fosse. Cela donne du rythme à la scène. Le gang parcourt le terrain de sport qu’ils contrôlent sans cesser le claquement des doigts. Ils marchent dans les rues et se mettent à exécuter un ballet urbain. Tous les membres du groupe dansent ce qui permet de les distinguer des passants. Puis, ils exécutent une chorégraphie qui leur est propre sur le mot « JETS » peint en blanc et en grand au milieu de la chaussée. Le spectateur comprend qu’il s’agit des Jets et qu’ils ont marqué leur territoire.

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Tony, l’ancien leader des Jets tente de rompre avec son passé. Il est devenu responsable et travaille dans une boutique. Riff l’incite à rejoindre à nouveau les Jets pour affronter les Sharks mais Tony ne tient pas tellement à renouer avec ses anciens camarades. Il sent que quelque chose va lui arriver mais ignore ce que c’est. Pour exprimer ce pressentiment, Tony chante la chanson Something’s coming. Très vite, il rencontre Maria et tombe sous son charme. Il s’avère qu’elle est la sœur de Bernardo. Ce dernier compte briser cette idylle naissante entre sa sœur et le précédent chef des Jets. Il veut empêcher cette histoire d’amour contrenature. Malgré les obstacles qui se présentent à eux, Tony et Maria iront jusqu’au bout pour faire triompher cet amour interdit.

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Le metteur en scène, Jérôme Robbins, danseur de formation crée les chorégraphies propres à chaque groupe. Deux mises en scène se confrontent dans le film. La musique de Bernstein accompagne les danses expressives des deux clans qui s’affrontent quotidiennement pour affirmer leur domination et s’approprier les rues du quartier de West Side. Les jeunes américains estiment qu’ils sont chez eux et considèrent les étrangers immigrés venus de Porto Rico comme des êtres indésirables qui représentent une menace pour eux car ils risquent de perdre leur hégémonie. Ils refusent de partager ce qu’ils estiment leur appartenir. Leur territoire est marqué par leur identité et le fait que des hommes de couleur résident sur ce territoire est vécu comme une intrusion. Le terrain de sport symbolise ce territoire qui est le lieu du pouvoir où se retrouvent ces deux armées prêtes à se battre jusqu’à la mort pour conquérir une bonne fois pour toute ce territoire.

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La violence des deux clans est limitée par l’intervention de la police qui représente l’autorité, l’ordre et applique la loi. La police met en garde les deux parties dans le but d’éviter un drame. Cependant, les guerres intestines dans le quartier de West Side contribuent à discréditer la police qui est incapable de mettre un terme aux rixes et règlements de compte. Son autorité est remise en cause. Le lieutenant Shrank (Simon Oakland) et le sergent Krupke (William Bramley) tentent de dissuader les gangs de troubler l’ordre public. Le lieutenant Shrank les prévient en soulevant le fait que la rue ne leur appartient pas. Il leur conseille de s’entretuer ailleurs plutôt que de s’affronter dans son secteur. Les gangs se moquent de lui. Un membre des Jets imite le sergent Krupke dans une danse ridicule prouvant que la police locale n’a pas d’autorité réelle pour imposer l’ordre. Elle échoue même à éviter le pire. La confrontation inévitable entre les Jets et les Sharks se termine mal et chacun déplore la mort d’un de ces membres. Ainsi, Bernardo et Riff se combattent avec un couteau à la main tout en exécutant la chorégraphie d’un combat à mort. A la demande de Maria, Tony tente de mettre un terme à l’altercation qui oppose les deux chefs de gangs. Tony s’implique malgré lui dans le combat lorsque Bernardo poignarde Riff. Sous l’effet de la colère, Tony veut venger son ami blessé et poignarde à son tour Bernardo. Les deux leaders perdent la vie et Tony s’enfuie.

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La danse est exécutée comme un ballet, pas uniquement pour esthétiser la violence, mais aussi pour célébrer l’amour. Lors du bal où se rencontrent les Jets et les Sharks, chacun de leur couple exécute une danse qui s’intitule le Mambo. Les deux gangs se défient et se mettent à danser sur un rythme rapide et dynamique. Nous assistons alors à une compétition de danse où chacun des clans veut dominer la piste de danse qui se substitue au terrain de sport. 

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L’expression physique sert également à célébrer le commencement d’une nouvelle vie. Rêvant d’une vie meilleure, de nombreux Portoricains immigrent aux U.S.A. Ce phénomène suscite le mépris de quelques Américains xénophobes qui redoutent le métissage avec ces nouveaux arrivants. Anita qui est originaire de Porto Rico, exprime sa joie d’être une américaine libre à New York en interprétant la chanson America tout en exécutant une danse endiablée. Elle croit au rêve américain contrairement à son fiancé Bernardo qui a perdu ses illusions et critique la société américaine. Il y a un dialogue entre les femmes et les hommes d’origine portoricaine. Chacun argumente en chantant au sujet des conditions de vie aux U.S.A. Ils dansent dans un rythme entrainant tout en débattant sur la différence de mode de vie entre Porto Rico et les U.S.A. Les femmes aiment la liberté et font l’éloge de la société de consommation alors que les hommes déplorent la discrimination et les inégalités sociales.  

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Par ailleurs, la danse est un moyen d’exprimer les émotions comme l’amour ou la peur. Après sa rencontre avec Maria, Tony chante et danse pour exprimer son amour pour l’élue de son cœur. Suite à la mort de Bernardo et de Riff, les Jets paniquent et craignent les autorités. Un jeune conseille au groupe de garder son sang-froid et les Jets commencent à danser sur une musique intitulée Cool pour oublier leur peur et rester calme. La danse est un exutoire pour eux. Elle leur donne la force de d’affronter la tragédie.

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La version moderne de Roméo et Juliette souligne les problèmes sociaux qui existent à cette époque aux Etats-Unis tels que la violence, l’intolérance, la haine raciale et la guerre des gangs. Les chorégraphies permettent aux personnages des deux clans d’exprimer d’une manière différente leurs aspirations, leurs émotions ou leurs états d’âme. Ces dansent exécutées symbolisent la vie avec ses hauts et ses bas. Cet art est un exutoire pour les personnages qui vivent une crise identitaire.

 Mlle Conic


Bibliographie :

  • GRANT Barry Keith, American Cinema of the 1960’s – Themes and Variations, Rutgers university press, 2008, USA.
  • MONACO Paul, History of the American cinema – volume 8 – 1960-69, Charles Scribner’s Sons, 1990, New York
  • GAUTHIER Brigitte, Histoire du cinéma américain – 2ème édition, Hachette Supérieur, 2004, Paris

Sitographie :

Notes de bas de page :

[1] Citation de R. Lannes
[2] Naissance en 1957 au théâtre de Broadway
[3] Métro-Goldwyn-Mayer