Triple 9

Triple 9

Quatre ans après Lawless (Des hommes sans loi en version française), en lice pour la Palme d’Or au Festival de Cannes en 2012, John Hillcoat revient avec un film d’action policier porté par un large casting d’acteurs et d’actrices connus et reconnus ou en pleine ascension.

Triple 9 raconte l’histoire d’un groupe de policiers corrompus sous l’emprise de la mafia russe juive d’Atlanta. Afin de faire sortir de prison son mari, Irina Vaslov, « tsarine » régnant sur son empire d’une main de fer, oblige les policiers à voler des documents hautement protégés. Pour détourner l’attention de la police d’Atlanta, ils vont devoir recourir au « 999 »: une chasse à l’homme du meurtrier d’un policier. Mais pour ce faire, il faut une victime. Les choses ne se passeront pas comme prévu…

A priori le film a tout pour plaire : un casting alléchant (voir Kate Winslet en antagoniste avec un accent russe est un fantasme de cinéphile); un réalisateur dont le dernier film fut présenté à Cannes; Atticus Ross, l’un des compositeurs de la bande originale de Millénium: Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011) de David Fincher et une histoire de corruption sous fond de mafia. Malheureusement, le film tombe un peu à plat.

L’histoire est assez basique et un peu prévisible. Le début s’annonçait pourtant complexe, mais les informations délivrées progressivement ne surprennent qu’à moitié. De plus, aucune information concernant la raison de corruption des policiers ne vient donner de l’ampleur à leur action. La seule chose connue est qu’ils sont à la merci d’Irina. L’intrigue progresse et se conclut sans grande surprise.

Les personnages sont tellement caricaturaux que leurs interprètes n’ont pas l’occasion d’y apporter une plus-value personnelle. La sous-utilisation du personnage d’Irina est plutôt dommageable car Kate Winslet est une actrice chevronnée capable de transcender l’écran (récemment encore dans Steve Jobs de Danny Boyle, 2015). Il est décevant qu’Aaron Paul soit encore cantonné à un rôle proche de celui qui l’a révélé au grand public et à la critique (Jesse Pinkman dans Breaking Bad). C’est à croire qu’il n’est bon qu’à jouer les « adulescents » paumés, drogués et maladroits. Seul Woody Harrelson apporte une “cool attitude” à son personnage mais il n’ajoute rien de nouveau à son jeu. Casey Affleck est aussi expressif que son frère et ne semble connaître qu’une ou deux émotions. La future Wonder Woman, Gal Gadot, n’a que peu de répliques et de temps d’écran pour montrer ce qu’elle vaut en tant qu’actrice. Elle est cantonnée à un rôle assez “accessoire” et donc il est difficile de juger sa performance. La seule surprise du casting vient de Michael Kenneth Williams (The Wire, HBO, 2002-2008) grâce à un caméo jubilatoire.

La très dynamique mise en scène sauve le film. Les scènes d’action sont réussies et font monter l’adrénaline à l’image de la séquence d’ouverture: l’action et ses conséquences (le braquage) sont discernables mais les protagonistes le sont bien moins. Le spectateur est perdu dans ce désordre. Le braquage en lui-même est violent, rapide, orchestré d’une main de maître. Sous une pluie de coups de feu assourdissants, les malfrats s’exécutent, parfois aveuglés par leur besogne, permettant une potentielle riposte des assaillis. Le plus intéressant est la fuite des malfrats en véhicules qui va tourner mal due à une simple erreur humaine qui générera un désordre non négligeable sur leur chemin. Ils bloquent malgré eux la route. Plusieurs malfaiteurs perdent leur sang-froid et s’abandonnent à une exposition de violence pour se donner l’illusion qu’ils maîtrisent la situation. La mise en scène des répercussions de l’erreur humaine renvoie à celle du braquage à la différence que la fuite échappe au contrôle des malfaiteurs alors que le braquage fut exécuté sans encombre. Le spectateur est scotché dans son siège mais une fois cette séquence terminée, la tension chute et un certain ennui s’installe progressivement. Certaines images sont volontairement provocantes (les blessures noyées dans l’hémoglobine).

Le film séduira sans problème le plus grand nombre par son sujet et son casting, mais ne restera pas dans les mémoires. Triple 9 est divertissant et efficace, mais plus grâce à sa mise en scène qu’au récit et à la performance de ses acteurs. Les amateurs du genre en auront pour leur argent.

Pierre GILLIQUET

Titre : Triple 9

Réalisation : John Hillcoat

Interprétation : Kate Winslet, Woody Harrelson, Aaron Paul, Norman Reedus, Casey Affleck, Chiwetel Ejiofor, Teresa Palmer.

Genre: Thriller/action

Sortie : 13 avril 2016