Les Anarchistes : Déception et perte d’énergie

Les Anarchistes d’Elie Wajeman

Déception et perte d’énergie

(Regards Croisés au FIFA)

Paris, 1899. Un jeune brigadier, Jean Abertini, est chargé par ses supérieurs d’infiltrer un réseau d’anarchistes et de récolter un maximum d’informations sur leurs faits et gestes. Orphelin et issu d’un milieu défavorisé, le policier s’acquitte de sa mission avec brio, y voyant l’opportunité de s’élever hiérarchiquement et socialement. Il gagne bientôt la confiance du groupe et intègre leur mouvement. Mais ses sentiments évoluent véritablement lorsqu’il fait la connaissance de Judith, une fille de la bande, dont il tombe follement amoureux. Jean se retrouve alors déchiré entre deux camps.

Présenté dans la section Regards Croisés du festival International du Film d’Amour de Mons (FIFA 2016), Les Anarchistes d’Elie Wajeman dresse le portrait d’une époque d’un temps passé. Il montre le combat d’un groupe d’hommes et de femmes appelé « Les Anarchistes » qui veulent changer le monde, au moins le leur à Paris : ils pensent que les lois sont faites pour protéger les riches, c’est pourquoi il faut les contourner, voire les détruire. Le film explique ainsi le concept d’anarchisme, devenu aujourd’hui anachronique, et employé pour signifier d’autres notions plus péjoratives.

Le scénario du film s’apparente plutôt à un rapport de faits historiques qui expliquent l’action des anarchistes au début du vingtième siècle, le genre à montrer dans un cours d’histoire à des lycéens pour leur expliquer comment le mouvement a affecté la révolte. L’évolution de l’intégration de Jean au sein du mouvement et la double action de son espionnage semblent servir de prétexte pour exposer tout simplement les évènements anarchiques, l’histoire d’amour avec Judith l’est encore plus. Complètement inutile et inexploitée dans la trame scénaristique, cette relation reste superficielle et monochrome.

Les Anarchistes manque d’un langage cinématographique cohérent et d’une unité de représentation de l’image qui, malgré une lumière magnifique signée David Chizallet, demeure gratuite. La composition du cadre, la valeur du plan, le mouvement de la caméra, etc. : les divers moyens cinématographiques employés ne rajoutent rien à ce que le scénario en soi raconte. L’image semble un dédoublement simpliste de l’histoire. Avec les décors parisiens passéistes et les costumes d’époque, elle se suffit au caractère historique du film sans vouloir le dépasser.

Rayonnant, Tahar Rahim offre une palette de jeu dans toutes ses teintes, capable de générer la complexité d’une émotion rien qu’avec un sourire. Il parvient à joindre en un seul geste ou en une seule phrase la pluralité de ce qui constitue l’essence de son personnage : l’espion, le pauvre, l’artiste, l’enfant, le père, le combattant, le courageux, l’amant, l’infidèle, etc. Quant à Adele Exarchopoulos, elle est encore plus monolithique que jamais : aucune expression sur son visage, sinon la même dans toutes les situations. L’actrice semble jouer ses propres réactions au lieu d’interpréter un personnage : son personnage d’anarchiste parisienne en 1899 pleure de la même façon qu’une adolescente en pleine découverte d’identité sexuelle (celui d’Adèle La vie d’Adèle 2013).

Les Anarchistes est beau, mais il l’est gratuitement. Wajeman ne parvient malheureusement pas à dépasser le caractère didactique et reste au niveau du dédoublement du document historique. Une déception et une perte de la grande énergie de Tahar Rahim qui livre pourtant une performance remarquable.

Patrick Tass.

Titre : Les Anarchistes

Réalisation : Elie Wajeman

Interprétation : Tahar Rahim, Adèle Exarchopoulos, Guillaume Gouix, Awann Ariaud, Cédric Kahn

Genre : Drame

Durée : 95 min