La Montagne Magique ou l’allégorie de la mort (FIFF)

La Montagne Magique

Ou l’allégorie de la mort

Compétition Officielle du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF)

 

Après Le voyage de M.Crulic (2011), Anca Damian, jeune réalisatrice roumaine et pionnière du long-métrage d’animation national, s’attaque à la réalisation du second opus d’une trilogie consacrée à l’intrépidité, La Montagne Magique, un face à face perpétuel entre l’homme et la mort.

Le documentaire – quelquefois fictionnalisé – retrace l’histoire d’Adam Jacek Winkler, un réfugié polonais à Paris, qui lutte contre le communisme à sa propre façon. Fasciné par la résistance du peuple afghan, son esprit d’aventurier le pousse à quitter sa famille et à rejoindre le commandant Massoud aux zones de combat. Sous la menace constante des bombes russes, des chemins jonchés de mines ou de la pénurie alimentaire, les hommes errants dans le vide afghan ne font que résister à la mort.

Prenant la forme d’un dialogue entre le protagoniste et sa fille interprétés par les voix de Christophe Miossec et Lizzie Brochère, La Montagne Magique ressemble plus à un roman de voyage qu’il ne s’apparente à un scénario de film. Avec un récit à la première personne qui augmente l’attachement spectatoriel, la voix over redessine la vie idéaliste, voire dérisoire du personnage quasi moyenâgeux et ses exploits. Le narrateur masculin prédomine l’histoire et l’on tend à oublier la présence de la fille qui n’intervient que pour quelques petites phrases ou rires.  

D’une beauté éthérée et d’un visuel opulent, l’image du film constitue une allégorie de la mort et l’imperfection de son trait lui procure paradoxalement un air plus humain. D’un mouvement saccadé qui réfute la fluidité, l’animation évoque une représentation de la réalité plus engagée. Anca répond à la complexité de la palette émotionnelle et archétypale de son personnage, ainsi qu’à la pluralité de l’espace-temps, par la diversité des techniques employées.

L’état quasi primitif de l’animation, dû au choix de travailler avec des débutants, poétise l’hyperréalité du documentaire. Un aspect plus coriace du personnage ressort par contre à travers l’emploi d’«éléments réels» puisés dans les archives personnelles d’Adam Jacek Winkler, de photos où il apparaît et d’autres qu’il a prises. La réalisatrice s’est rendue en Afghanistan pour collecter informations et photos sur le personnage. Entre la transparence de la réalité et l’esthétisme de l’animation, la multiplicité des procédés utilisés à l’image évoque une hétérogénéité dérangeante qui ne semble pas explicitement justifiée par le changement de lieux, de temps ou d’émotions.

La mort guette dans La Montagne Magique, elle ouvre le film et le clôt, lui conférant un aspect cyclique. L’hypothèse de transformer l’exigence de vie en instinct de survie, où l’on commémore l’acte de ne pas être mort comme un inaltérable rituel quotidien, constitue le fil rouge du documentaire : la mort plane sur tous les plans, y projetant un air encore plus lourd et accablant qui accompagne le spectateur hors de la salle de cinéma.

Patrick Tass

 

Titre : La montagne magique

Réalisation : Anca Damian

Interprétation : Christophe Miossec et Lizzie Brochère

Genre : Animation